Labour / Le Travail
Issue 90 (2022)

Article

Idéal champêtre ou enfer ouvrier? Démystifier la terre pour renforcer les droits des travailleurs agricoles

Laura Dehaibi, Université McGill 

Résumé : Cet article vise à exposer la persistance d’un discours romantique associé à l’agriculture et l’impact de cette image idéalisée de la terre sur la protection des travailleurs agricoles. Le portrait romantique de l’agriculture présente ce secteur économique comme étant fragile, capricieux, essentiel à la survivance humaine et intimement lié à la fois à la vie familiale et à la souveraineté nationale. Nous verrons que le mythe agricole est favorisé par la répétition d’un certain discours d’exceptionnalisme adopté tout au long de l’histoire occidentale dans la théorie et la pratique juridique et économique ainsi que dans la culture populaire et qu’il met l’accent sur la primauté de la propriété privée et la nécessité de protéger l’agriculture contre toute ingérence. Ce mythe cache toutefois la réalité des salariés agricoles tout en justifiant un traitement dérogatoire aux lois du travail. L’analyse du contexte législatif canadien contemporain en matière de protection des salariés agricoles démontrera la persistance du discours romantique en agriculture, véhiculé par de puissants lobbys agricoles et repris par les instances politiques, et son impact négatif sur les droits fondamentaux des travailleurs de la terre.

Mots clefs : droit du travail, liberté d’association, agriculture, histoire du travail agricole, travailleurs migrants, discrimination, droit international du travail, commerce agricole

Abstract:This article aims to showcase the persistence of romantic discourse associated with agriculture and the impact of the idealized image of the land on the protection of agricultural workers. The romantic portrayal of agriculture presents this economic sector as fragile, capricious, essential to human survival, and intimately linked to both family life and national sovereignty. We will see that the agricultural myth is favoured by the repetition of a certain discourse of exceptionalism adopted throughout Western history in legal and economic theory and practice as well as in popular culture and that it emphasizes the primacy of private property and the need to protect agriculture from interference. This myth, however, hides the reality of agricultural workers while justifying derogatory treatment of labour laws. The analysis of the contemporary Canadian legislative context in terms of the protection of agricultural workers will demonstrate the persistence of the romantic discourse in agriculture, conveyed by powerful agricultural lobbies and taken up by political authorities, and its negative impact on fundamental rights of workers of the land.

Keywords: labour law, freedom of association, agriculture, history of agricultural labour, migrant workers, discrimination, international labour law, agricultural trade

On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, cultivant la terre, font vivre les autres.
— Voltaire, Le Sottisier1

En 2018, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (undrop), constatant d’emblée que les travailleurs de la terre sont parmi les plus pauvres et les plus mal nourris au monde2. Ainsi, ce que Voltaire observait il y a plus de deux cents ans, dans la citation en épigraphe, ne semble guère avoir changé. Alors que les travailleurs salariés en agriculture représentent près d’un demi-milliard de personnes à l’échelle mondiale, ceux-ci sont généralement ignorés dans les politiques agricoles nationales et internationales, une invisibilité qui entraîne des conséquences graves pour ces femmes et ces hommes3. Ce groupe de travailleurs est sous-représenté; leurs conditions de travail sont parmi les plus instables et dangereuses pour la santé et la sécurité; les protections sociales sont faibles, et ce, peu importe le statut migratoire4. Au Canada ou au Pérou, les travailleurs de la terre locaux ou migrants, qui nourrissent la planète, peinent à survivre au jour le jour.

Comment expliquer cette invisibilisation systématique des travailleurs de la terre? La littérature scientifique occidentale a porté une attention particulière à la qualité migratoire des travailleurs comme facteur de vulnérabilité en agriculture. Au Canada, par exemple, depuis la mise en place de programmes d’embauche de travailleurs migrants dans le secteur agricole, plusieurs études ont révélé les conditions de travail déplorables de cette catégorie de travailleurs particulièrement vulnérables et marginalisés5. Or, bien qu’il soit avéré que les travailleurs temporaires étrangers en agriculture font face à des obstacles juridiques et pratiques qui équivalent à des formes modernes de travail non libre6, on constate aussi à la lumière de l’exemple canadien, que les lois qui limitent les droits des travailleurs agricoles n’affectent pas seulement les travailleurs migrants (qui représentent à l’échelle canadienne environ 20 p. 100 de la main-d’œuvre agricole salariée), mais tous les travailleurs employés par une exploitation agricole7. C’est dire qu’il existe des conditions au sein du secteur agricole même menant à un traitement discriminatoire de ses salariés.

Nous ferons valoir, dans les paragraphes qui suivent, que la marginalisation des salariés agricoles est due à la persistance d’un certain discours romantique lié à la terre, qui souligne la spécificité du secteur agricole. Ce discours omniprésent dans l’histoire insiste sur la valeur sacrée de la terre et sur l’importance de protéger le secteur agricole à tout prix comme symbole de la survivance d’un peuple. On y présente l’agriculture comme un secteur fragile regroupant principalement de petites entreprises familiales soumises aux caprices de la nature, mais essentiel à la souveraineté alimentaire, voire au développement de l’identité d’une nation. Or, ce discours romantique sert de prétexte à l’adoption de dispositions législatives restrictives et discriminatoires en ce qui concerne les droits des travailleurs agricoles en faveur des producteurs agricoles et propriétaires terriens. Le discours romantique lié à la terre est si puissant qu’il fait en sorte que le sort des travailleurs agricoles est souvent relégué au deuxième plan dans les politiques agricoles publiques, tant dans les pays développés que dans les économies en développement ou émergentes8.

Nous chercherons donc à démystifier le côté romantique de l’agriculture afin de mieux comprendre pourquoi les travailleurs de la terre sont marginalisés d’un point de vue juridique. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps : d’abord, nous tenterons de définir le discours romantique en agriculture à la lumière de divers exemples historiques tirés de la pratique de pays occidentaux, tout en confrontant ce discours à la réalité des salariés agricoles; nous illustrerons ensuite, au moyen de l’exemple juridique canadien, comment ce discours continue d’être adopté au 21siècle par les décideurs publics pour dévaloriser les salariés agricoles. Grâce à cette exploration, nous serons à même de constater que l’économie agricole, qui fut l’une des premières où des échanges commerciaux transnationaux ont eu lieu du fait de droits de propriété renforcés, possède une longue histoire d’exploitation et de marginalisation des travailleurs qui perdure de nos jours. Nous suggérerons, en conclusion, que l’organisation collective des salariés agricoles, présentement considérablement limitée au Canada et ailleurs, est un élément clé d’une solution durable à ce problème, notamment pour contrebalancer le pouvoir des lobbys agricoles et changer le discours dominant en agriculture.

Le discours romantique de la terre : dépeindre un faux idéal rural

Le discours romantique en agriculture véhiculé en Occident s’articule généralement autour de quatre axes : l’agriculture est essentielle à la survivance humaine; elle est intimement liée à la vie familiale; l’agriculture est un secteur fragile et capricieux qui requiert un traitement exceptionnel et distinct; et finalement, elle est une composante essentielle de la souveraineté nationale. Par ces quatre éléments, la terre agricole acquiert un caractère sacré et symbolique. Dans les paragraphes qui suivent, nous illustrerons ces quatre dimensions au moyen de divers exemples historiques et culturels tirés de la pratique nationale et internationale tout en les opposant à la réalité économique de l’agriculture, soit son intégration commerciale dans l’économie capitaliste transnationale.

Il est important de préciser que, en tant que discours, le romantisme agricole ne vise pas à refléter la réalité, mais plutôt à créer un mythe, ou une «  réalité opérative » pour emprunter l’expression de Fitzpatrick9, qui facilite la mise en œuvre de mesures qui le renforcent, comme la marginalisation juridique des travailleurs10. Ainsi, les exemples historiques mentionnés dans les paragraphes qui suivent ne visent pas à faire la démonstration d’une unité de la pratique agricole occidentale, mais visent plutôt à illustrer la création progressive – et contestée – d’une idéologie agricole commerciale axée sur l’exceptionnalisme.

Survivance humaine par le contrôle de la nature

L’agriculture a longtemps été perçue – et continue de l’être – comme la plus noble des activités humaines. Comme le soulignait la Cour permanente de Justice internationale (cpji) en 1922, dans un avis consultatif sur la compétence de l’Organisation internationale du travail (oit) en matière de travail agricole, «  [l]’agriculture […] est incontestablement l’industrie du monde la plus ancienne et la plus considérable et qui donne du travail à plus de la moitié des salariés du monde11  ». Outre le fait que l’agriculture emploie une part importante de la main-d’œuvre active mondiale, le travail agricole est au cœur du développement des sociétés modernes, d’où l’idée que l’agriculture est plus qu’une simple activité économique. C’est un travail qui est essentiel à la survie humaine. Il contribue à nourrir et à vêtir les populations et encourage leur sédentarisation. C’est aussi avec l’agriculture que naissent les premières notions de commerce ainsi que la première division du travail12. D’ailleurs, les rôles genrés dans l’agriculture sont bien définis : le cultivateur est un homme fort, capable de travailler de longues heures dans des conditions climatiques extrêmes, alors que les femmes sont généralement confinées au foyer, affectées à la transformation des produits agricoles13. Évidemment, les femmes étaient, dans la pratique, bien présentes dans les champs, et le demeurent à ce jour14. En effet, les femmes représentent aujourd’hui près de la moitié, soit 43 p. 100, de la main-d’œuvre en agriculture15. Cependant, l’idéal du travail dans les champs est particulièrement associé à la masculinité virile et à la force brute comme étant les meilleurs moyens de contrôler ou d’apprivoiser la nature, d’autant plus que, pendant longtemps, les femmes dans les sociétés modernes ne pouvaient pas être propriétaires terriennes16.

En effet, selon l’allégorie libérale, la survivance humaine par l’agriculture dépend de la domestication de la nature, et ce processus de contrôle sera très vite associé à la propriété privée17. Les prémisses libérales du droit à la propriété, influencées par le droit naturel, suggèrent que les ressources de la terre doivent être exploitées de manière optimale afin d’en maximiser les bénéfices pour le plus grand nombre. Pour ce faire, la propriété privée est présentée comme étant le meilleur outil18. C’est d’ailleurs sur ces bases que s’appuie le mouvement des enclosures anglaises, qui a été initié dès le 15siècle et qui viendra progressivement concentrer les terres agricoles anglaises dans les mains de quelques propriétaires, anéantissant par la même occasion les traditions communautaires de la campagne anglaise considérées comme des entraves au progrès agricole19.

L’association entre propriété privée et agriculture en Europe est également soutenue par l’idéologie physiocrate développée en France au milieu du 18siècle par le médecin et économiste français François Quesnay et le marquis de Mirabeau. La physiocratie est une théorie économique élaborée sur la prémisse de la supériorité de l’activité agricole en fonction de l’utilité des biens qu’elle produit pour la subsistance et les conditions de vie. Cette théorie vise à favoriser la productivité maximale de cette activité agricole par la concentration des terres et des droits individuels de propriété solides20. Ces idées résonnèrent particulièrement bien chez l’élite foncière française montante, le groupe dominant chez les révolutionnaires de 1789. Les bourgeois propriétaires s’assurèrent en effet de consacrer le droit à la propriété privée comme droit naturel des citoyens21. Un des effets de cette consécration sera d’ailleurs l’effritement progressif de l’aspect communautaire de la paysannerie française, faisant écho à la situation en Angleterre22.

En effet, une vision de l’agriculture qui associe survivance et contrôle absolu considère toute pratique contradictoire, par exemple l’utilisation de terres communales ou la chasse et la cueillette, comme étant contraire aux intérêts du bien commun (common wealth)23. De fait, on constate que les théories libérales de la propriété viendront donner des munitions aux colons européens leur permettant d’accaparer les terres autochtones dans un contexte économique et politique d’expansion territoriale européenne24. Des penseurs tels que Francisco de Vitoria, Hugo Grotius, Emer de Vattel, et indirectement John Locke, justifieront tous le dépouillement des terres des peuples autochtones par une variante de l’idée que l’homme a une obligation naturelle de cultiver la terre afin de la faire fructifier et que les peuples autochtones, souvent de tradition nomade, violent cette obligation sacrée25. Graham observe d’ailleurs que le concept de terra nullius ne faisait pas nécessairement référence à l’absence de peuples autochtones, mais à l’absence de terres cultivées de manière intensive26. Ce faisant, ces théoriciens consacraient l’agriculture européenne comme l’unique modèle valable d’exploitation des ressources naturelles de la terre, ignorant les multiples manières d’interagir avec la terre développées à travers les siècles et l’espace.

Ce qu’il est intéressant de constater dans ces différentes théories est le lien qui se crée entre agriculture et commerce : l’agriculture n’assure ainsi pas seulement la subsistance et la sécurité des peuples, mais également leur prospérité et leur richesse, grâce à l’accroissement de la productivité et à la maximisation des ressources. La physiocratie, après tout, est une théorie économique basée sur la productivité et le libre-échange, qui se rapproche d’ailleurs des fameux préceptes développés quelques années plus tard par l’écossais Adam Smith en faveur d’une économie de marché et du laisser-faire27. Les principes physiocrates en faveur d’une agriculture commerciale auront d’ailleurs un impact bien au-delà des frontières françaises dans une Europe cherchant à se moderniser28. On comprend donc que l’agriculture, dès l’époque moderne et tout au long de l’ère contemporaine, est résolument axée sur la commercialisation productive et l’accumulation primitive de capital29.

La famille agricole et les travailleurs de la terre

Un second élément dominant du discours romantique en agriculture est l’association entre la ferme et la famille, une association qui perdure bien au-delà de la capitalisation du secteur et de la concentration des terres agricoles en Occident. L’image primitive du bon cultivateur est celle d’un père de famille, vertueux et patient, possédant son petit lopin de terre qu’il laboure durement avec l’aide de sa famille afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa communauté. Dans la tradition chrétienne, par exemple, le cultivateur est présenté comme un modèle de vertu, l’idéal humain à atteindre30. Ainsi, la ferme familiale s’est vite convertie en un pôle culturel et social important dans plusieurs sociétés rurales occidentales, voire en un symbole de résistance31.

Le concept de ferme familiale renvoie implicitement à celle d’harmonie entre l’homme et la terre et entre les membres de la famille. L’idée de communion et de proximité avec la terre et les animaux est soulignée notamment dans ce passage du classique de la littérature du terroir, Maria Chapdelaine :

À leur aise… Il faut avoir besogné durement de l’aube à la nuit avec son dos et ses membres pour comprendre ce que cela veut dire; et les gens de la terre sont ceux qui le comprennent le mieux32.

La famille est donc proche de la terre; elle la comprend et ses membres travaillent à l’unisson pour établir une relation d’entraide mutuelle, de soin et de protection. D’ailleurs, ces relations familiales sont tellement fortes qu’elles s’étendraient même aux travailleurs des champs, selon le discours commun, qui, par proximité, deviennent membres de la famille agricole33. L’agrarisme américain, mouvement intellectuel et artistique en faveur du mode de vie rural particulièrement présent dans le sud des États-Unis, véhicule également l’importance de la famille comme unité centrale de la campagne. À l’opposé des industries urbaines, le travail de la terre est perçu comme une union à long terme, un mariage harmonieux, et la ferme familiale devient dès lors plus qu’une entreprise : elle est une représentation de l’identité rurale, voire nationale34. Ainsi, l’agrarisme américain se distingue de la physiocratie en ce qu’il est méfiant de l’industrialisme montant et défend un idéal agraire basé sur des valeurs chevaleresques et familiales représentées notamment par le «  southern way of life  ».

L’association de l’agriculture et de la famille tend toutefois à cacher la réalité changeante de l’agroentreprise développée sur la base de la concentration des terres rurales. Déjà, si les domaines agricoles en Angleterre ou les plantations dans les colonies en Amérique, dès le 16siècle jusqu’à nos jours, sont officiellement possédés par des familles, il s’agit bien souvent de propriétaires absents qui se contentent de récolter les profits de l’entreprise agricole exploitée par des dizaines, voire des centaines de travailleurs sans terre35. Inutile de mentionner que le fait que les plantations américaines étaient gérées par des familles n’a pas empêché les horreurs de l’esclavage, et les vertus familiales dans ce contexte ont été appliquées de manière très étroite36. Bien qu’au Canada le passage à une commercialisation accrue de l’entreprise agricole ait été plus lent que dans d’autres pays « industrialisés », on note clairement, dès la moitié du 20siècle, une diminution progressive et marquée du nombre de fermes, accompagnée d’une augmentation proportionnelle de la taille de ces fermes37. Or, plus une ferme familiale s’agrandit, plus elle possède d’employés, une réalité pourtant occultée dans le discours romantique38.

À quoi ressemble le salariat agricole en Occident? Plusieurs études empiriques ont été menées dans les dernières années afin de répertorier les conditions de travail abusives des salariés agricoles39. Bien que la généralisation soit difficile étant donné la grande diversité des pratiques en matière de production agricole, on peut toutefois faire ressortir quelques caractéristiques récurrentes. D’abord, le salariat agricole est souvent occasionnel et précaire40. Ainsi, bien que les membres de la famille œuvrent sur la ferme à longueur d’année, les salariés sont très rarement employés au-delà des saisons productives. Le caractère occasionnel du travail agricole sert d’ailleurs souvent à justifier des normes du travail différentes pour les salariés. Au Québec, par exemple, la norme de la semaine de travail de 40 heures ne s’applique pas et, dans les cas où les travailleurs agricoles sont requis pour le travail, leur droit de refuser est limité41. De plus, l’organisation collective est plus difficile, puisque le caractère saisonnier du travail empêche de maintenir une continuité dans la pratique syndicale, sans compter les restrictions législatives que plusieurs pays imposent à la création de syndicats sur les fermes et qui seront abordées plus loin dans le cadre de l’exemple canadien42.

Une autre caractéristique dominante de la main-d’œuvre agricole dans les pays occidentaux, où les populations locales boudent les conditions précaires des champs, est qu’elle est de plus en plus comblée par des travailleurs migrants43. Dans certains cas, comme aux États-Unis, ces travailleurs sont souvent sans statut légal, ce qui suppose des conditions de vulnérabilité extrême44. Toutefois, même dans le cadre de programmes officiels d’embauche de main-d’œuvre agricole migrante, qui prévoient des retenues sur les salaires pour divers avantages sociaux, comme c’est le cas au Canada, les travailleurs peuvent en réalité difficilement en bénéficier, puisqu’ils doivent chaque année retourner dans leur pays d’origine45. D’autre part, les conditions de travail des travailleurs migrants en agriculture au Canada ont été qualifiées d’abusives par plusieurs observateurs, et la pandémie n’a fait qu’exacerber cette situation46.

La qualité de travailleur migrant n’empêche pas, en principe, l’application des lois du travail47. Mais la réalité particulière des migrants impose de nombreux obstacles pratiques à l’exercice de leurs droits. Ceux-ci ne connaissent souvent pas la langue ni la culture du pays d’accueil, ce qui rend les négociations directes avec l’employeur ardues, et l’isolement géographique caractéristique du travail agricole fait en sorte que le développement de relations sociales et d’une solidarité ouvrière est plus difficile48. Mais des causes structurelles imposées par l’État freinent souvent aussi l’avancement des droits des travailleurs migrants. Au Canada, par exemple, les programmes d’embauche tendent à limiter la liberté de mouvement des travailleurs migrants, tant par l’obligation de travailler pour un seul employeur que par l’obligation de retourner dans leur pays d’origine entre les saisons, ce qui fait en sorte que ceux-ci se trouvent isolés socialement49. Les organisations syndicales elles-mêmes ont rapporté des difficultés à rejoindre ces travailleurs : les employeurs empêchent ces dernières d’accéder aux exploitations agricoles tout en offrant peu d’occasions aux travailleurs de s’intégrer dans la société50. D’autre part, les travailleurs sont souvent victimes de racisme et de xénophobie, ce qui accentue leur marginalisation51. Cette situation crée, ce qu’Arès et Noiseux nomment dans le contexte canadien, un « régime de travail à la périphérie du marché du travail », où l’accès à une main-d’œuvre bon marché, docile et fragile est carrément institutionnalisé52. Et comme nous l’avons déjà mentionné, le cadre législatif canadien empêche formellement les travailleurs agricoles temporaires de se syndiquer, ce qui, en pratique, affecte particulièrement les travailleurs migrants.

Exceptionnalisme agricole et protectionnisme

Le discours rural occidental fait souvent référence à la dureté de la nature et du climat comme un des principaux défis du paysan. Que la nature doive être apprivoisée, domptée, suppose que celle-ci est féroce, sauvage et imprévisible. La production agricole s’en trouve fragilisée, ce qui justifierait donc des mesures proactives pour protéger l’industrie agricole. En effet, alors même que l’industrie agricole est de nos jours hautement mécanisée, les employeurs agricoles expliquent encore les conditions de travail précaires dans les champs par le caractère imprévisible de la nature53. Toutefois, Blackett, examinant la situation au Québec, souligne que les mauvaises conditions de travail servent surtout de motifs pour maintenir la compétitivité internationale : « In the locally-rooted but export-oriented industries like agriculture, [...] cheap labour is used to subsidize production and create “competitive” conditions for export abroad54. » Ainsi, une faible protection des droits au travail équivaudrait à des mesures déguisées de protectionnisme.

Cette dimension protectionniste s’est particulièrement manifestée dans la réglementation internationale de l’agriculture. À titre d’exemple, dès les premières années de l’oit, la question agricole crée la controverse. La nouvelle organisation avait-elle compétence dans ce secteur? Au début de 1922, dans le contexte de l’élaboration de diverses conventions internationales réglementant le travail en agriculture, la France saisissait la Cour permanente de Justice internationale (cpji) sur la compétence de l’oit en matière de travail agricole, argumentant que l’agriculture n’était pas une industrie à proprement parler55. Or, dans son avis consultatif du 12 mai 1922, la cpji note d’emblée que d’exclure un secteur d’activité qui « donne du travail à plus de la moitié des salariés du monde » va à l’encontre des principes de l’oit qui visent à empêcher le nivellement par le bas des conditions de travail et à les améliorer à long terme56. La cpji conclut donc qu’il n’existe aucune limitation de compétence imposée à l’oit dans le texte de son traité constitutif57. La cpji procède également à l’analyse de l’intention des parties signataires du traité, constatant qu’entre juin 1919, moment de la signature du traité, et octobre 1921, époque de la 3session de la Conférence internationale du Travail (cit) durant laquelle devaient être traitées les conventions propres à l’agriculture, aucune des parties contractantes n’avait remis en question l’inclusion de l’agriculture dans la compétence de l’oit, bien que le secteur eût fait l’objet de nombreuses discussions au cours de cette période58.

On peut alors se demander pourquoi la France a décidé tout d’un coup de remettre en question la compétence de l’oit en matière de travail agricole. Le fait que l’idéologie physiocrate, présentée précédemment, soit née en France n’est pas une coïncidence. Avant le 19siècle, la France était essentiellement rurale, près de trois habitants sur quatre étant alors paysans59. Il va donc de soi que, pour les Français, le champ était symbole de salut pour le paysan, même si, dans les faits, la grande majorité des paysans français peinaient à survivre uniquement grâce à leur lopin et devaient louer leur labeur comme journalier à des seigneurs possédant de plus grandes tenures60. La perte de vitesse de la paysannerie française à la suite de la Révolution française n’a toutefois pas changé le fait que l’agriculture revêt une importance culturelle et économique marquée pour le pays, qui impose depuis longtemps de nombreuses restrictions au commerce en agriculture. Dès la fin du 19siècle, la France imposait des tarifs douaniers pour la quasi-totalité des produits agricoles, notamment pour se protéger des importations massives provenant des États-Unis61. De nos jours, la France domine la production agricole européenne : elle est le premier bailleur de fonds de la Politique agricole commune (PAC) mise en place en 1962 dans le but de soutenir le marché agricole européen, ainsi que son premier bénéficiaire62. C’est dire que, bien que la réalité agricole en Europe soit complexe et diverse, la France influence fortement le discours commun.

Cela étant, la France n’est certainement pas la seule nation occidentale à véhiculer un discours d’exceptionnalisme en agriculture sur la scène internationale. D’ailleurs, la meilleure illustration en est les embûches à la libéralisation du commerce en agriculture. Du côté nord-américain, par exemple, tant le Canada que les États-Unis ont commencé dès le début du 20e siècle à adopter diverses mesures protectionnistes en agriculture : d’une part, des crédits agricoles, des exemptions de taxes et un soutien au prix pour favoriser la compétitivité de la production nationale et d’autre part, des quotas d’importation et des tarifs douaniers prohibitifs pour limiter la concurrence étrangère63. Ces positions protectionnistes auront d’ailleurs un impact sur le processus de libéralisation du commerce international. Ainsi, dès 1947, le secteur agricole a été, tout compte fait, exclu du champ d’application de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (gatt) qui établit les principes directeurs du libre-échange. Les pays du Nord considéraient en effet que des réformes dans le secteur agricole étaient économiquement et politiquement trop difficiles64. On a tenté, en vain, de modifier cette exception aux principes du libre-échange dans le cadre de cycles de négociations successifs, souvent bloqués par les États-Unis65.

Le cycle d’Uruguay de 1986 à 1994, qui a abouti à la création de l’Organisation mondiale du commerce (omc), a éventuellement mené à l’adoption de l’Accord sur l’agriculture qui encourage les États signataires à réduire progressivement les mesures restrictives d’accès aux marchés agricoles pour corriger les déséquilibres dans les marchés agricoles mondiaux et qui prévoit des engagements chiffrés de réduction des subventions66. Cependant, les experts s’entendent pour dire que l’Accord constitue tout au plus un énoncé de bonne volonté sans obligations contraignantes, ce qui fait en sorte que les pays développés maintiennent leurs pratiques protectionnistes67, alors que les pays en développement, qui dépendent massivement de l’agriculture dans leurs économies respectives, en paient le prix68. À titre d’illustration, les États-Unis (15 p. 100) et le Canada (5,3 p. 100) figuraient en 2016 parmi les cinq principaux exportateurs agricoles au monde, alors que l’agriculture représente respectivement 0,9 p. 100 et 1,9 p. 100 du PIB. En comparaison, l’agriculture représente 5,6 p. 100 du PIB en Amérique latine, 15,5 p. 100 en Afrique subsaharienne et 18,2 p. 100 en Asie du Sud69. Ainsi, bien que l’agriculture soit une activité économique dominante dans plusieurs pays en développement, les règles du jeu commerciales actuelles mènent à une mondialisation déséquilibrée qui affecte non seulement la vitalité économique de ces pays, mais également la sécurité alimentaire de nombreux paysans qui forment la majorité de la main-d’œuvre agricole dans ces pays70. Les intérêts agricoles des pays en développement ont d’ailleurs été au premier plan des discussions au sein de l’omc lors des négociations ayant suivi l’adoption de l’Accord sur l’agriculture, puisque les États membres s’étaient engagés à cheminer vers une libéralisation équitable de l’agriculture. Vingt-cinq ans plus tard, les discussions n’aboutissent toujours pas71.

Les motifs pour justifier ces mesures protectionnistes sont nobles, du moins en apparence : on invoque notamment la protection de la sécurité alimentaire, l’élimination de la pauvreté rurale, le développement économique rural et la protection de l’environnement72. Cependant, il est important de noter que les parties protégées par ces mesures protectionnistes ne sont pas les travailleurs de la terre, mais bien les propriétaires agricoles qui possèdent, par l’intermédiaire de puissants lobbys, un poids politique imposant tant à l’interne que sur la scène internationale73. Pendant ce temps, les petits producteurs du Sud global pour qui les bénéfices économiques de la libéralisation de l’agriculture seraient réels, font face à une concurrence déloyale de la part des pays occidentaux. On note donc encore une fois un paradoxe entre le discours d’exceptionnalisme en agriculture et la réalité commerciale du secteur.

L’agriculture, la souveraineté nationale et l’esclavage

Le discours romantique agricole est intimement lié au discours nationaliste. Fumey suggère même que la finalité de l’agriculture est de « participer à l’épanouissement des sociétés jusqu’à faire partie de leur plus intime patrimoine social, technique et, comme le souligne la parenté étymologique, culturel74 ». Dans le contexte canadien, la littérature dite du « terroir » a d’ailleurs contribué au développement d’un sentiment de fierté nationale fondé sur l’agriculture dans le Bas-Canada, comme l’illustre cet extrait du classique de Louis Hémon, Maria Chapdelaine :

Le plus pauvre des fermiers s’arrêtait parfois au milieu de sa cour ou de ses champs, les mains dans ses poches et savourait le grand contentement de savoir que la chaleur du soleil, la pluie tiède, l’alchimie généreuse de la terre, – toutes sortes de forces géantes, – travaillaient en esclaves soumises pour lui… pour lui…75.

Dans ce passage, la terre agricole est présentée comme une richesse personnelle, source de fierté. Les auteurs Arès et Noiseux relatent pareillement que le discours identitaire du Canada français était particulièrement associé à l’agriculture76. Or, cette association perdure de nos jours : tout récemment, des élus provinciaux québécois s’opposaient farouchement au dézonage de terres agricoles, arguant qu’elles « constituent un trésor national » associé à « l’autonomie alimentaire » de la province77.

L’association entre agriculture et souveraineté trouve également écho aux États-Unis78. Dès 1785, Thomas Jefferson, un des pères fondateurs du pays, et également une figure importante de l’agrarisme américain, s’exprimait ainsi :

Cultivators of the earth are the most valuable citizens. They are the most vigorous, the most independent, the most virtuous, & they are tied to their country & wedded to its liberty & interests by the most lasting bonds79.

Cette image romantique de l’agriculture perdurera longtemps dans la culture et la politique américaine80. Le roman Gone with the Wind, écrit par Margaret Mitchell en 1936, est une représentation littéraire classique de l’agrarisme américain et certains passages illustrent de manière flagrante l’amalgame entre agriculture et nationalisme :

When she looked at Tara she could understand, in part, why wars were fought. Rhett was wrong when he said men fought wars for money. No, they fought for swelling acres, softly furrowed by the plow, for pastures green with stubby cropped grass, for lazy yellow rivers and white houses that were cool amid magnolias81.

La référence à la guerre dans ce passage est intéressante compte tenu du fait que l’exploitation inadéquate de terres arables était considérée par certains théoriciens du droit international comme une cause juste de guerre82. Or ici, le personnage fait allusion à la guerre de Sécession des États-Unis (1861-1865), objet du roman, durant laquelle les États du Sud cherchèrent à défendre un idéal agraire, certes, mais dont la continuité dépendait largement du maintien de l’esclavage légal.

Car dans les faits, la souveraineté nationale américaine sera surtout favorisée par le rapide développement économique des treize colonies, lequel est grandement tributaire de la traite transatlantique d’esclaves en provenance d’Afrique. Les vastes espaces riches en ressources naturelles et propices à la culture requéraient une main-d’œuvre abondante et immédiate que les populations autochtones locales, décimées par l’arrivée des colons, et la migration européenne n’arrivaient pas à combler, d’où le recours à la pire forme d’exploitation humaine83. L’usage d’esclaves africains perdurera au-delà de l’abolition de la traite transatlantique dans la première moitié du 19siècle, mais le passage cité du roman Gone with the Wind décrit des champs d’une beauté parfaite, bucoliques, idylliques, sans aucune trace des esclaves sans lesquels ces champs n’auraient pas pu être exploités à leur plein potentiel commercial.

Il faut toutefois souligner que l’exploitation des esclaves africains dans les colonies du Nouveau Monde n’est pas seulement à la base du développement économique des colonies : les nations européennes impliquées dans la traite transatlantique d’esclaves et possédant des colonies outre-mer doivent également leur essor national au commerce qui en découle84. Williams décrit en effet comment la traite transatlantique a permis le développement des industries anglaises. D’abord, dans les villes portuaires impliquées dans le transport des esclaves ou dans l’importation des produits de l’esclavage et ensuite, par le biais des diverses usines qui recevaient des matières premières agricoles (sucre, coton) des colonies et qui les transformaient par la suite en produits destinés à l’exportation85. clr James note également que la traite des esclaves a, en pratique, financé la Révolution française en favorisant la création d’une bourgeoisie foncière et maritime autour de la fabrication de navires et des raffineries de sucre86. C’est dire que la naissance de l’État-nation contemporain et les concepts modernes de souveraineté et de nationalisme sont directement tributaires de l’esclavage, un régime de travail fortement présent dans le secteur agricole et soutenu par des principes racistes87.

Or, le développement commercial de l’agriculture occidentale n’a jamais vraiment cessé de faire appel au travail forcé. Dans plusieurs pays de l’Amérique, le travail des esclaves a vite été remplacé par le travail forcé d’immigrants en provenance de la Chine88. Encore aujourd’hui, la plantation comme mode d’exploitation agricole, surtout utilisée pour des matières premières prisées comme le café, le sucre, le cacao ou le coton, demeure associée à des pratiques d’esclavage89. Les conditions de travail des travailleurs migrants dans les champs canadiens ne sont guère mieux et ont été identifiées comme des formes de travail non libre en raison, entre autres, du pouvoir disproportionné que possèdent les employeurs sur le sort des travailleurs90. Le professeur Gallié et ses collaborateurs décrivent cette situation comme une « néo-féodalisation » de l’emploi en agriculture, où l’État et le droit sont remplacés par des relations de dépendance avec l’employeur et par des réseaux de recrutement de main-d’œuvre91. Or, cette distinction institutionnelle entre travailleurs locaux et travailleurs temporaires étrangers a une forte connotation nationaliste selon Sharma, puisqu’elle crée et légitimise des espaces d’exclusion pour ces derniers au sein du territoire canadien sur la base de leur nationalité, des espaces spécifiquement racistes et sexistes92. C’est dans ce contexte d’exploitation humaine discriminatoire que s’inscrit la marginalisation actuelle des salariés agricoles dans les lois du travail. À partir d’ici, nous explorerons cette réalité au moyen de l’exemple canadien.

La reproduction du romantisme agricole dans les lois du travail contemporaines : l’exemple canadien

Malgré les réticences initiales de la France, la Conférence internationale du travail (cit) adoptera en 1921 trois projets de conventions concernant la protection des travailleurs agricoles, dont la Convention (n11) sur le droit d’association (agriculture) (Convention n11)93. Cette dernière a pour but principal de garantir que les travailleurs agricoles ne seraient pas traités différemment des autres travailleurs. L’article 1 prévoit que les mêmes droits d’association et de coalition accordés aux « travailleurs de l’industrie » doivent s’appliquer également aux travailleurs agricoles. Il invite également les États ayant ratifié la Convention n11 à abroger toute disposition législative visant à restreindre ces droits à l’égard des travailleurs agricoles. La Convention n11 est encore en vigueur de nos jours et a été ratifiée par 123 pays, dont la plupart des pays européens, y compris la France. Parmi les pays n’ayant pas ratifié la convention se retrouve le Canada.

Ce faisant, quatre provinces canadiennes limitent le droit d’association des salariés agricoles. Nous nous concentrerons ici sur les exemples ontariens et québécois, dans le cadre desquels les régimes d’exclusion des travailleurs en agriculture ont été contestés judiciairement, avec un certain succès94. Il s’agit également des deux provinces canadiennes ayant la plus grande part de la production agricole au pays95. La discussion qui suit vise à exposer comment les législateurs ontariens et québécois se servent du discours romantique en agriculture pour justifier ces régimes dérogatoires qui marginalisent les travailleurs de la terre. La répétition de formules facilement identifiables favorise la création de mythes, puisqu’elle permet d’internaliser les croyances sociales et culturelles qu’ils véhiculent96. Les débats en Ontario et au Québec sur la question de la protection des travailleurs agricoles n’y font pas exception et l’on y entend le même refrain : les petites fermes familiales canadiennes doivent être protégées à tout prix contre l’ingérence des lois du travail pour assurer leur survie dans une économie compétitive.

À quoi ressemble la ferme canadienne? Selon Statistique Canada, en 2018, il y avait au pays près de 195 000 exploitations agricoles qui employaient un total de 268 779 salariés. Parmi ceux-ci, 34 p. 100 étaient employés à temps plein, 14 p. 100 à temps partiel, et 52 p. 100 étaient des travailleurs saisonniers97. Les travailleurs migrants, quant à eux, occupaient en 2018 de nombreux emplois (54 734) auprès de 3 846 exploitations agricoles, la plupart au Québec et en Ontario (25 611 en Ontario, et 14 653 au Québec), un nombre en croissance par rapport aux recensements précédents. Les travailleurs migrants représentent donc un peu plus du quart de la main-d’œuvre agricole, une proportion importante. De ce nombre, plus de 43 000 travailleurs migrants occupaient des postes au sein d’exploitations générant des revenus annuels supérieurs à 1 000 000 $98. Ces chiffres semblent contredire l’image de la petite ferme champêtre fragile, ce qui n’empêchera pas les gouvernements ontariens et québécois de la reprendre, au détriment des travailleurs.

Ontario : Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles 

La législation ontarienne sur les travailleurs agricoles est liée tant aux débats sur les normes du travail à la ferme qu’au développement du droit constitutionnel à la liberté syndicale dans le contexte canadien. En effet, l’Arrêt Dunmore c. Ontario (Procureur général)99, un arrêt phare de la Cour suprême du Canada (csc) dans lequel on interprète pour la première fois le principe de la liberté d’association de l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés comme imposant des obligations positives aux gouvernements, prend sa source dans la négation de la liberté syndicale pour les travailleurs agricoles de la province. L’Arrêt Dunmore émane de la contestation de l’abrogation de la Loi de 1994 sur les relations de travail dans l’agriculture100 (lrta), une abrogation qui mettait abruptement fin aux processus de négociation collective en cours dans le secteur agricole. La lrta visait à réconcilier les droits des travailleurs et le particularisme agricole : elle accordait en effet des droits syndicaux (accréditation syndicale, obligation de négocier collectivement) aux travailleurs agricoles tout en reconnaissant le caractère particulier de l’industrie agricole, comme son caractère saisonnier, soit la sensibilité au climat et au facteur temps ou la nature périssable des produits agricoles101. Pour répondre aux exigences du secteur agricole, la lrta interdisait notamment la grève et le lock-out tout en prévoyant des dispositions protégeant le travail par des membres de la famille102. Avant son adoption, les travailleurs agricoles étaient exclus du régime général de négociation collective prévu dans la loi sur les relations du travail ontarienne. Or, le nouveau gouvernement abolit la lrta en 1995, après seulement une année d’existence, rétablissant l’interdiction absolue précédemment en vigueur.

L’Arrêt Dunmore est fameux pour avoir établi que l’alinéa 2d) protégeait non seulement les individus, mais également l’association même ainsi que la poursuite de ses intérêts, se fondant tant sur l’histoire des relations industrielles canadiennes que sur le droit international, en faisant notamment référence à la Convention n11, même si le Canada ne l’a pas ratifiée103. Ce faisant, la csc concluait que l’exclusion totale des travailleurs agricoles du régime commun portait atteinte sans justification raisonnable au droit à la liberté d’association104. Cependant, un aspect particulièrement important de cette décision est qu’elle confronte le discours romantique de l’agriculture avec la réalité des travailleurs agricoles. En effet, dans cette cause, le gouvernement de l’Ontario prétendait que le modèle général de négociation collective mettait en danger l’économie agricole de la province105. Il soulevait ainsi que le caractère familial des fermes et la fragilité économique du secteur étaient incompatibles avec un régime législatif de négociation collective106.

La Cour prit bien soin de déboulonner ce mythe, et plus particulièrement le lien de causalité que le romantisme agricole tente de créer entre protection des droits des travailleurs et fragilisation du secteur. La csc reconnaît d’emblée que la protection des petites fermes familiales est un enjeu important, mais rejette l’argument que la formation d’associations syndicales agricoles vienne automatiquement mettre en danger la ferme familiale107. Elle note d’ailleurs que les arguments soulevés en lien avec la spécificité agricole – la fragilité face à la météo et à la concurrence internationale, la petite taille des entreprises, le besoin de souplesse – pourraient tout autant s’étendre à d’autres catégories de travailleurs œuvrant dans des secteurs fragiles, comme l’industrie du vêtement, qui sont pourtant protégés par le régime général ontarien108. Cependant, elle soulève qu’il n’existe aucune preuve scientifique de l’impact de la syndicalisation sur le mode d’exploitation familiale et que le gouvernement n’a pas fait d’efforts pour envisager une solution de rechange à l’exclusion totale109. Ainsi, la csc suggère que la « réalité opérative » proposée par le gouvernement ontarien ne cadre pas avec la réalité sur le terrain.

La csc précise également dans l’Arrêt Dunmore que le secteur agricole a évolué. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné, si l’agriculture canadienne n’a pas connu la même évolution vers la production de masse que d’autres pays occidentaux au 20siècle, cette situation a été résolument renversée au 21siècle110. Ainsi, la csc constate que, bien que la ferme familiale demeure un mode d’exploitation très courant, avec une gestion basée sur la participation des membres de la famille, la loi ontarienne ignore complètement l’évolution grandissante vers l’entreprise commerciale agricole qui, elle, embauche de nombreux employés111. Le gouvernement ontarien, dans ses représentations devant la csc, a lui-même reconnu que la valeur minimale d’une ferme familiale au tournant du 21e siècle allait de 500 000 $ à 1 000 000 $. Cela étant, la csc note que ces chiffres démentent le discours de fragilité. Ainsi, le plus haut tribunal du pays remet en question les divers pans du discours traditionnel associé à l’agriculture qui sert de justification pour attenter aux droits de travailleurs particulièrement vulnérables en concluant de manière catégorique :

On peut inférer que, pour protéger la ferme familiale et assurer la productivité de l’économie agricole, le législateur a jugé nécessaire de décourager toute forme de syndicat et de tolérer que le travailleur agricole soit exposé à une multitude de pratiques déloyales de travail. À mon avis, aucune mesure ne pourrait être davantage contraire au principe de l’atteinte minimale112.

Cela étant dit, la réponse du gouvernement ontarien à l’Arrêt Dunmore ne fut pas d’inclure les travailleurs agricoles dans le régime général d’accréditation syndicale de la Loi de 1995 sur les relations du travail (lrt de 1995), mais plutôt de créer un régime parallèle et particulier avec la Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles (lpea)113. La différence de terminologie ne laisse aucun doute : la lrt de 1995 parle de « syndicat », c’est-à-dire une « [a]ssociation d’employés constituée notamment pour régir les relations entre employés et employeurs114 », tandis que la lpea parle « d’association d’employés », qui s’entend d’une association « formée pour agir de concert115 ». Cette distinction ressort d’ailleurs des débats officiels en chambre précédant l’adoption de la lpea par l’Assemblée législative ontarienne : « While an agricultural employee may join an association that is a union, the proposed legislation does not extend collective bargaining to agricultural workers116. » Ce faisant, une association d’employés agricoles sous la lpea peut présenter des observations à l’employeur, mais celui-ci en retour n’a aucune obligation de conclure une convention collective de travail contraignante.

Le texte de la lpea reprend des éléments du discours romantique en agriculture, notant d’emblée à l’article 1 que le régime particulier se justifie par l’existence de « caractéristiques propres à l’agriculture, notamment son caractère saisonnier, sa vulnérabilité au temps et au climat, la nature périssable des produits agricoles et la nécessité de protéger la vie animale et végétale ». Il est à noter que ces caractéristiques propres ignorent complètement la mécanisation de l’agriculture et la technologie agraire et renvoient l’image de champs dénudés, soumis aux aléas de la nature. De plus, étant donné que la csc a directement attaqué l’angle de la protection de la ferme familiale dans l’Arrêt Dunmore, il semble que le législateur ontarien ait fait le choix de se tourner plutôt vers l’argument de la fragilité du secteur. La référence à la vie animale et végétale est également intéressante, puisqu’elle semble vouloir faire appel aux sentiments, sans toutefois expliquer comment la syndicalisation vient concrètement mettre en danger l’écosystème rural.

La constitutionnalité de la lpea a également été contestée devant les tribunaux, mais la csc répondait en 2011, dans l’Arrêt Ontario (Procureur général) c. Fraser117, que la loi répondait aux exigences de l’alinéa 2d). Contrairement à l’Arrêt Dunmore, qui accordait une attention soutenue au caractère spécifique du secteur agricole, l’Arrêt Fraser est d’abord et avant tout une décision qui cherche à clarifier la portée du droit constitutionnel dans la foulée de la controverse créée par son changement de cap. Elle propose d’emblée que le régime créé par la lpea respecte les exigences en prévoyant un processus de dialogue permettant à une association de présenter ses observations à l’employeur et en rappelant ensuite que l’alinéa 2d) ne protège pas un modèle de négociation particulier ni un résultat déterminé118. Pour la csc, la lpea rend implicite l’obligation de négocier de bonne foi119. Qu’une telle interprétation soit valide soulève des doutes, comme le souligne la dissidence de la juge Abella qui note l’absence de mots clés tels que négociation, bonne foi, consultations et syndicats120. L’idée d’une obligation implicite de bonne foi semble d’ailleurs recréer le mythe de la bonne entente informelle et de l’harmonie sur les fermes. Mais au-delà de cette idée, l’Arrêt Fraser justifie un traitement discriminatoire qui retire aux travailleurs agricoles le seul régime syndical qui garantit des résultats121. En effet, malgré des efforts en ce sens, aucune convention collective n’aurait été adoptée depuis 2002 sous le régime de la lpea, puisque l’employeur agricole remplit son obligation légale dès lors qu’il reconnaît une association et reçoit ses observations, sans plus122.

Compte tenu du fait que la csc précisera en 2015, dans l’Arrêt Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), que le but de la protection constitutionnelle de la liberté d’association est précisément de rééquilibrer les rapports de force en milieu de travail123, on ne peut s’empêcher de penser que le verdict final dans l’Arrêt Fraser soit une anomalie, aux dépens des salariés agricoles. Le silence des juges sur le sort des travailleurs agricoles dans l’Arrêt Fraser est d’autant plus incompréhensible du fait qu’il a été déterminant dans l’Arrêt Dunmore. En effet, la csc note que c’est précisément la vulnérabilité des travailleurs agricoles qui rend l’atteinte à leur droit si grande dans le contexte constitutionnel canadien124. Dans l’Arrêt Fraser, seule la juge Abella en fait mention dans sa dissidence125. En ce sens, la Cour reproduit l’invisibilisation des travailleurs agricoles, tout en avalisant implicitement le discours d’exceptionnalisme agricole exprimé dans la lpea. La csc est également silencieuse au sujet de la ferme familiale, qui n’est d’ailleurs pas explicitement mentionnée dans la lpea de 2002. Or, la juge Abella rappelle que la protection des petites fermes familiales continue d’être utilisée comme justification du régime d’exception en Ontario, en parfaite déconnexion avec la réalité commerciale agricole de la province126.

Québec : les migrants contre la petite ferme familiale

En fin de compte, la conséquence de l’Arrêt Fraser aura été de justifier l’adoption d’un régime discriminatoire similaire dans le contexte québécois. Avant 2014, le Code du travail du Québec prévoyait à son article 21(5) trois critères à respecter pour que des salariés en agriculture puissent bénéficier du régime d’accréditation syndicale général : qu’ils soient employés de manière ordinaire; qu’ils soient employés de manière continuelle; et qu’ils soient au moins trois à être « ordinairement et continuellement » employés sur une même exploitation agricole127. Cette disposition créait une exception à la règle générale selon laquelle une personne pouvait former un syndicat, peu importe son statut d’emploi. Les critères « ordinairement et continuellement » ont été interprétés par la Commission des relations du travail (crt)128 comme indiquant le « caractère permanent, et non saisonnier129 » de l’emploi. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par les débats parlementaires à l’origine de l’adoption de cette disposition130.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, seulement 34 p. 100 des travailleurs en agriculture au Canada travaillent à temps plein, le reste des emplois étant saisonniers. Cela signifie que, dans les faits, l’article 21(5) du Code du travail enlevait la possibilité de se syndiquer à la majorité des travailleurs agricoles. Or, en 2010, la crt concluait dans Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 c. L’Écuyer que l’article 21(5) violait l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés de manière déraisonnable et injustifiée131. Vu la nature du dossier, le gouvernement du Québec est intervenu, et sa position reposait essentiellement sur le mythe agricole de la fragilité de la petite ferme familiale québécoise132. Cependant, la crt s’est plutôt rangée du côté des expertises soumises par le syndicat à l’origine de la requête qui relevaient le fait que l’économie agricole était loin de l’ancien modèle de la petite ferme familiale artisanale :

La preuve ne démontre pas que l’industrie agricole du Québec est dans une situation exceptionnelle si on la compare à d’autres secteurs de l’économie qui, tel celui du textile, pour ne prendre que cet exemple, ont traversé ou traversent encore de longues périodes de grandes difficultés au cours desquelles la rentabilité et la survie même de plusieurs entreprises est en péril.

La preuve ne démontre pas que les entreprises qui, en raison de l’article 21, al. 5 du Code, sont en quelque sorte « à l’abri » d’une éventuelle syndicalisation de leur main-d’œuvre sont dans une situation précaire ou sont au seuil d’une défaillance133.

La crt vise donc directement le discours d’exceptionnalisme et atténue les conséquences dramatiques potentielles invoquées par le gouvernement en cas de syndicalisation. La crt reconnaît que les fermes québécoises peuvent traverser des difficultés, mais souligne que l’industrie agricole bénéficie d’importantes subventions et est bien organisée134. La Commission note également que la disposition contestée touche particulièrement les travailleurs migrants, qui sont grandement vulnérables135. Cette vulnérabilité, pour la crt, pèse encore plus dans la balance pour conclure à une violation du droit constitutionnel de s’associer136. Tout comme la csc dans l’Arrêt Dunmore, la crt note qu’il n’y a pas de lien rationnel entre l’interdiction de la syndicalisation et la protection de la ferme familiale. D’ailleurs, elle ajoute ceci : « Il s’agit d’une simple spéculation et, à la limite, d’une conclusion qui ne se base que sur l’idée reçue que la syndicalisation des travailleurs dans un secteur d’activités a un effet nécessairement négatif pour la santé économique de ce secteur137. » Ce passage est important, puisqu’il démontre justement comment le cadre législatif entourant le travail en agriculture dépend énormément des perceptions idéalisées du secteur plutôt que de la réalité. La Cour supérieure du Québec (csq), confirmant en 2013 la décision en révision judiciaire, sera également d’avis qu’il n’existe aucun lien causal entre le besoin de protéger les petites fermes et la syndicalisation138.

En réponse à L’Écuyer, l’Assemblée nationale adoptera en 2014 la Loi modifiant le Code du travail à l’égard de certains salariés d’exploitations agricoles139 (projet de loi n8), qui élimine l’alinéa 5 de l’article 21, mais introduit un régime particulier pour les travailleurs agricoles qui ne sont pas « ordinairement et continuellement employés au nombre minimal de trois140 ». En effet, dans la décision en révision judiciaire, la csq avait fait référence à l’Arrêt Fraser, notant que le problème avec le régime québécois était qu’il ne prévoyait aucune possibilité pour le groupe discriminé de négocier de bonne foi les conditions de travail141. Les mêmes critères sont donc maintenus, non plus pour les exclure complètement de l’application du Code du travail, mais pour les soumettre à un régime distinct, inspiré du modèle ontarien et permettant à des associations de salariés d’exploitation agricole de « présenter des observations au sujet des conditions d’emploi de ses membres », dans lequel cas l’employeur doit leur donner une occasion raisonnable de le faire142. Le Code définit brièvement ce qui constitue une « occasion raisonnable » et impose une obligation de bonne foi aux parties143. Si une association de salariés estime que ses droits n’ont pas été respectés, elle peut déposer une plainte auprès du Tribunal administratif du travail (tat), mais aucune obligation de négociation collective n’est prévue dans ce régime particulier.

Ainsi, le législateur québécois s’en est tenu à un effort superficiel pour se conformer aux décisions judiciaires tout en maintenant la marginalisation des travailleurs agricoles. Le nouveau régime constitue avant tout une mesure protectrice du secteur agricole, ce que les débats parlementaires du projet de loi n8 confirment d’ailleurs. À la lecture des débats, on se rend compte que c’est le discours romantique en agriculture, repris tant par les producteurs agricoles que par les élus, qui joue contre les travailleurs. Fragilité de la ferme familiale, protection d’un secteur vital et responsabilité nationale sont quelques-uns des thèmes qui ressortent des commentaires introductifs du ministre du Travail de l’époque, Sam Hamad :

En tant que gouvernement responsable, nous avions l’obligation d’adapter le Code du travail pour tenir compte de la réalité vécue par les petites exploitations agricoles, entre autres les producteurs maraîchers. Ne pas les protéger équivaudrait à mettre en péril les emplois de ceux qui y gagnent leur vie. […] Les associations agricoles se sont d’ailleurs toujours montrées préoccupées quant aux impacts des lois du travail sur la santé financière des petites entreprises de ce secteur fragile et vulnérable.

Le secteur agricole dépend d’abord des conditions climatiques, et la période pour effectuer les récoltes s’avère très courte. La menace d’un conflit de travail en pleine saison de récolte comporte donc de nombreux risques pour une petite entreprise agricole. La situation pourrait même s’avérer catastrophique si les récoltes ne sont pas engrangées ou mises en marché à temps […]144.

Face à l’importance de l’industrie agricole, la possibilité pour des travailleurs de revendiquer de meilleures conditions de travail est perçue comme une « menace » pour l’agriculture qui, elle, est « fragile et vulnérable ». L’opinion selon laquelle la syndicalisation viendrait mettre en péril l’existence même du secteur agricole, argument rejeté tant dans l’Arrêt Dunmore que dans la decision L’Ecuyer, revient souvent dans les débats, notamment dans ces commentaires de la députée d’opposition Sylvie d’Amours :

[…] nous nous réjouissons que le projet de loi garde en ligne de mire le caractère saisonnier de l’industrie dont il est question ici. En effet, le fait que ces productions soient soumises aux caprices de la nature et doivent être exécutées sur une période restreinte crée un environnement rigide hors duquel il n’existe que très peu, sinon aucune marge de manœuvre145.

Encore une fois, on véhicule l’idée, dans ce passage, que les conditions précaires sur la ferme sont inévitables et donc que tout bouleversement peut être catastrophique. Auprès des associations de producteurs terriens, le droit de grève est particulièrement pointé du doigt, mais tous les moyens de pression associés au processus de négociation collective sont vus d’un mauvais œil, puisqu’ils « pourraient avoir des répercussions importantes, voire même désastreuses pour les entreprises agricoles146 », comme le soumet un producteur agricole invité aux débats. La partie syndicale tentera tant bien que mal de rappeler l’absence de lien de causalité entre syndicalisation et survie de l’entreprise agricole, notant au passage que la vaste majorité des conventions collectives au Québec sont conclues sans conflits de travail, puisque les parties préfèrent maintenir des relations harmonieuses147. Cependant, les élus préfèrent se rabattre sur l’image de la ferme québécoise moyenne comme étant une entreprise fragile, aux moyens modestes et humbles.

Les producteurs suggèrent durant les débats qu’une dimension importante de cette fragilité serait le fait que le travail agricole s’exerce au sein de la nature, et qu’il est donc soumis à ses caprices, élément typique du discours romantique en agriculture comme il a été souligné précédemment148. Le représentant de l’Association des producteurs maraîchers du Québec (apmq) note par exemple :

L’agriculture, contrairement à d’autres secteurs d’activité, impose aux travailleurs de manipuler un produit vivant, qu’il soit végétal ou animal. Cette fragilité du produit requiert des soins et une attention de tous les instants afin que la qualité soit au rendez-vous et que le produit puisse être écoulé sur les marchés149.

Le représentant de l’upa indique pour sa part que, en agriculture, « [c]’est la température qui dicte, dans le fond, autant les conditions de travail ou les temps de travail que les temps de récolte durant lesquels […] on peut travailler150 », laissant entendre que les producteurs agricoles n’ont aucun contrôle sur le sort des travailleurs de la terre. Or, sachant que l’agriculture, dès le 20siècle, est massivement soumise à la mécanisation et la technologie, l’idée véhiculée selon laquelle la nature aurait le contrôle en matière de production et de travail agricole semble complètement déconnectée de la réalité151. Le caractère irrémédiable du changement des saisons est d’ailleurs remis en question par les organisations syndicales invitées aux débats, notamment par le représentant des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada et de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (tuac-ftq) qui souligne le fait que plusieurs travailleurs ont des emplois saisonniers (centres de ski, parcs, milieu touristique, arts et cinéma) sans que leur possibilité de se syndiquer soient restreintes152.

Évidemment, la ferme fragile et vulnérable décrite par les producteurs est une ferme familiale comme le rappelle le représentant de l’upa : « Pour 95 % des producteurs agricoles québécois, la famille et l’entreprise sont des synonymes153. » Une idée qui revient beaucoup chez les producteurs en lien avec l’aspect familial des fermes est le fait que la gestion fermière est souvent informelle et que les relations sont harmonieuses, les travailleurs migrants étant décrits comme faisant partie de la famille. Le représentant de l’apmq indique ainsi que « pour le producteur, la qualité de travail de chacun est synonyme de succès et de rentabilité, et cette relation de confiance réciproque qui se développe a toujours été à la base des relations de travail harmonieuses dans les fermes familiales154 ». Il ajoute que les ressources des fermes maraîchères familiales québécoises sont limitées, ce qui rendrait difficile la gestion de « conventions complexes qui s’appliquent à des employés qui ne travaillent avec eux que quelques semaines par année155 ». Un tel discours vise à discréditer les efforts de syndicalisation, puisqu’il s’agirait de procédures rigides et inflexibles qui nuisent à l’harmonie mythique sur la ferme.

D’autre part, la possibilité que des abus se produisent dans le contexte de l’agriculture familiale est minimisée et marginalisée, notamment dans le commentaire du représentant de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, qui suggère qu’il peut y avoir des producteurs problématiques, « comme il y a des gens qui roulent à 140 kilomètres-heure [sic] sur l’autoroute156 ». Cette comparaison a un effet déshumanisant, puisqu’elle tend à détourner l’attention de la victime des abus pour se concentrer sur l’acte décrit comme marginal. Il a d’ailleurs été observé que le discours de la ferme familiale est en fait souvent utilisé pour renforcer la vulnérabilité des travailleurs migrants, puisque la proximité caractéristique de l’entreprise familiale permet un contrôle accru des travailleurs, qui en perdent encore plus leur liberté157. Dans le même ordre d’idée, le représentant de la Confédération des syndicats nationaux (csn), Jean Lortie, mentionnera durant les débats que l’image du bon père de famille pour illustrer le patron de la ferme familiale québécoise reproduit un langage dépassé qui représente surtout une sorte de figure autoritaire et potentiellement abusive158.

La partie syndicale remettra en question le mythe de la ferme familiale dans ses interventions durant les débats parlementaires sur le projet de loi n8. Le représentant des tuac-ftq, M. Boyer, note ainsi :

Tout le projet de loi s’appuie sur des prémisses dépassées selon lesquelles les exploitants agricoles ne possèdent ni les ressources humaines ni les ressources financières pour négocier avec un syndicat et que la syndicalisation n’est pas viable dans le secteur agricole. Or, la réalité est tout autre. Même si le nombre de fermes est en baisse au Québec depuis plusieurs années, les exploitations agricoles d’aujourd’hui sont devenues des entreprises commerciales qui embauchent des centaines de personnes et exploitent des terres de grande superficie. Vous, Mmes et MM. les députés, qui avez la responsabilité de faire évoluer les lois en fonction de l’évolution de notre société et de son économie, nous vous demandons de ne pas tomber dans le panneau d’un secteur agricole aux prises avec de vieilles fermes familiales bucoliques. Les récentes données statistiques indiquent que ce secteur dynamique est rentable et qu’il est composé de PME tout à fait viables sur le long terme159.

Dans son commentaire, M. Boyer relève la contradiction entre le discours romantique (« vieilles fermes familiales bucoliques ») et la réalité commerciale des fermes québécoises. Cette contradiction est d’ailleurs présente dans le discours même des producteurs qui, tout en présentant leurs fermes comme de petites entreprises locales, insistent sur le fait que la restriction des droits des travailleurs agricoles est nécessaire pour maintenir leur compétitivité commerciale face aux marchés extérieurs, comme l’Ontario, où les lois du travail seraient plus flexibles160. En effet, le régime ontarien ne permet la syndicalisation dans aucun cas, alors qu’au Québec, trois employés agricoles permanents travaillant à longueur d’année pourraient se syndiquer, une différence qui est décrite comme un avantage compétitif pour l’Ontario dans le cadre des débats parlementaires161.

Ce faisant, les débats parlementaires sur le projet de loi n8 ont également porté sur la définition de « ferme familiale ». Le représentant de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec décrit son entreprise comme une ferme familiale qu’il gère avec son frère. Il mentionne par contre qu’il leur arrive d’engager plus de 150 personnes pour la récolte et d’embaucher également des scientifiques pour mener des activités de recherche en lien avec leur production162. Ainsi, on constate que le caractère familial d’une entreprise agricole n’équivaut pas à une agriculture artisanale, comme le mythe le suggère. Dans le même ordre d’idée, un des représentants de l’upa suggère qu’une ferme familiale s’entend d’une « entreprise dont l’ouvrage est fait principalement par les membres de la famille, principalement les tâches au niveau de la gestion, au niveau de toute la partie responsabilités économiques [sic] de l’entreprise, toute la partie administratif [sic], liens, commerce, vente163 ». Ainsi, selon cette définition, dès lors que des membres de la famille participeraient à la gestion de la ferme, celle-ci serait « familiale » et donc admissible au régime d’exceptionnalisme agricole, peu importe si elle emploie 1 ou 150 travailleurs dans les champs. Cette définition est évidemment fortement réfutée par les organisations syndicales. Selon la directrice générale des tuac, Anouk Collet, une ferme « réellement » familiale devrait se définir comme « une exploitation agricole n’employant aucun autre travailleur que des membres de sa famille164 ».

Le contraste marquant entre la répétition du discours romantique par les gouvernements et les producteurs agricoles d’un côté et le discours rationnel véhiculé par les tribunaux et les associations syndicales de l’autre démontre à quel point le cadre législatif du travail agricole applicable de nos jours au Québec, en Ontario et ailleurs dépend toujours dans une large mesure d’une réponse émotive à l’agriculture. Or les sentiments qui prévalent ne sont pas ceux de la partie vulnérable et marginalisée, mais plutôt ceux de propriétaires terriens regroupés au sein d’associations puissantes pour qui le maintien d’une certaine image pittoresque des champs est avantageux. En présentant l’agriculture canadienne comme un regroupement de petites fermes familiales soumises aux caprices de la nature et à la férocité de la concurrence commerciale, les producteurs agricoles s’assurent de maintenir diverses lois et politiques protectrices. Ce discours touche d’ailleurs à des cordes sociétales sensibles, que ce soit la souveraineté alimentaire ou la compétitivité nationale et internationale, ce qui le rend populaire, au détriment de toute autre considération165. Les organisations syndicales ont beau confronter ces perceptions idéalisées de l’agriculture avec des faits établis, le mythe persiste.

Mentionnons que le discours romantique de l’agriculture n’affecte pas seulement la liberté syndicale, mais également les normes minimales du travail en agriculture, puisque toute législation du travail en agriculture est perçue comme une menace directe à la survie du secteur166. Lors des débats sur la hausse du salaire minimum à 15 $ au Québec en 2017, l’upa exprimait des craintes quant à cette mesure qui affecterait selon elle la rentabilité des fermes québécoises167. Pareillement, dans le cadre des débats de 2018 sur les modifications à la Loi sur les normes du travail du Québec, l’upa déposait un mémoire dans lequel l’organisation présentait en détail le caractère « particulier » de l’agriculture afin de justifier ses préoccupations concernant diverses propositions du projet de loi, comme l’exigence de fournir l’horaire de travail cinq jours à l’avance, l’augmentation du nombre de semaines de vacances, qui « se traduir[ait] par une baisse de productivité », ou l’encadrement plus serré des conditions de travail des travailleurs étrangers temporaires168. L’essentiel du propos de l’upa dans son mémoire revient à suggérer que les normes du travail devraient s’adapter à l’agriculture, et non pas le contraire. Comme le soulignent Gallié et ses collaborateurs, ce discours habilite un régime d’abus des droits fondamentaux des travailleurs en agriculture, potentiellement légitimé par les outils démocratiques canadiens lorsqu’ils maintiennent l’image idéalisée de l’agriculture fragile et vulnérable169.

Changer le mythe agricole en donnant une voix aux travailleurs

Nous avons tenté, par cette étude, d’exposer la persistance d’un discours romantique en agriculture qui marginalise les travailleuses et travailleurs salariés de la terre. Les éléments du discours romantique ne sont pas tirés de l’imaginaire : plusieurs entreprises agricoles sont toujours familiales; l’agriculture est évidemment en relation avec la nature; et son rôle matériel et symbolique demeure important. Or, notre objectif n’était pas de contredire le discours, mais plutôt d’exposer ce qu’il cache. Nous avons voulu souligner la corrélation entre ce discours romantique protectionniste et le capitalisme transnational. Tant à l’échelle mondiale que canadienne, les acteurs gouvernementaux poussant le plus le mythe d’exceptionnalisme sont ceux-là mêmes qui bénéficient le plus économiquement de l’agriculture. Nous l’avons illustré en mentionnant que le Québec et l’Ontario étaient les deux premiers producteurs agricoles au pays, alors que la France est dominante au sein de la PAC. Ce que l’on comprend, c’est que le discours romantique en agriculture sert directement les intérêts commerciaux des producteurs.

Nous avons également vu que le discours romantique en agriculture est si bien ancré qu’il résiste même à la démonstration de ses failles. Il ne faut pas croire pour autant que la répétition du mythe fait en sorte que les producteurs et les élus y croient : l’idée de « réalité opérative » signifie que, tant que le discours commun sert les intérêts de ceux et celles qui l’énoncent, son exactitude est un souci de second ordre. Or les voix qui portent le message romantique sont fortes. Alors que les salariés agricoles peinent à s’organiser collectivement, les producteurs et les propriétaires terriens en Occident bénéficient du soutien de lobbys agricoles puissants et présents depuis longtemps. Au Canada, l’upa, présente aux débats parlementaires du projet de loi n8, est un de ces acteurs dominants, aux côtés de la Fédération canadienne de l’agriculture, l’Union nationale des fermiers ou l’Ontario Federation of Agriculture, sans compter les organisations des sous-secteurs, comme les Producteurs laitiers du Canada. Ces organisations, dont la principale mission est d’assurer la viabilité et la rentabilité du secteur agricole canadien dans une économie mondialisée, font souvent pression sur les instances politiques afin qu’elles adoptent des lois et des programmes qui leur sont favorables en matière d’immigration pour le travail temporaire170, que ce soit pour le maintien de mesures protectionnistes au sein du commerce agricole171 ou, comme nous l’avons vu précédemment, pour les réformes des lois du travail. Pour comprendre le pouvoir des lobbys agricoles au Canada, il n’y a qu’à se rappeler que lors des dernières élections provinciales au Québec en 2018, tous les principaux partis politiques se sont rendus aux bureaux de l’upa pour discuter de leurs demandes, bien que les agriculteurs québécois ne représentent pas plus de 1 p. 100 de la population de la province172. De plus, la remise en question de la gestion de l’offre en agriculture, un système de tarifs, de quotas et de mesures de contrôle des prix utilisé pour protéger les industries laitières nationales et les producteurs de volailles et d’œufs, a été qualifiée par un ancien employé gouvernemental de suicide politique173. Face à ce pouvoir démesuré, les salariés agricoles, sous-représentés, ne font pas le poids.

Les lobbys agricoles ont également mené le bal des discussions sur la sécurité alimentaire durant la pandémie de covid-19, l’upa faisant de l’autonomie alimentaire le thème central de son 96e congrès à la fin de 2020174. L’urgence de maintenir l’approvisionnement alimentaire s’est fait ressentir sur tous les plans pendant la pandémie : les Canadiens se sont même rués pour acheter des semences pour cultiver leurs propres potagers, créant, jusqu’à un certain point un problème de disponibilité175. Or, tout en encourageant l’achat local, les producteurs agricoles ont également fait pression pour accélérer le retour à la normale pour l’embauche de travailleurs migrants, plus adaptés que la population locale, selon eux, à la dureté du travail dans les champs176. Cependant, quelques mois à peine après le début de la pandémie, la Migrant Workers Alliance for Change publiait un rapport accablant sur les conditions de travail des travailleurs migrants en agriculture au Canada dans le contexte de la pandémie177. Au moment de sa publication, déjà deux travailleurs agricoles migrants, Bonifacio Eugenio Romero et Rogelio Muñoz Santos, étaient décédés des suites de la covid-19 en Ontario parmi les centaines ayant contracté le virus. Le rapport révélait que les conditions de logement, durant la quarantaine obligatoire et après, étaient précaires et ne permettaient pas de maintenir une distanciation sociale appropriée. De plus, étant donné la diminution du nombre de travailleurs migrants, leur charge de travail a été multipliée, sans nécessairement qu’ils aient eu une compensation en conséquence. Ce rapport confirmait que le contrôle strict auquel les travailleurs migrants étaient soumis les rendait particulièrement vulnérables aux abus en temps de crise178.

Ce qu’il faut toutefois retenir de ces discussions, c’est qu’il existe présentement un déséquilibre de pouvoir qui fait en sorte qu’une certaine rhétorique poussée par les producteurs agricoles a préséance sur d’autres positions pourtant légitimes. Plusieurs intérêts sont effectivement en jeu dans la question agricole, que ce soient les droits des travailleurs, le commerce international, la sécurité et la salubrité alimentaire, la protection de l’environnement ou la protection des consommateurs. En ce sens, il est vrai que l’agriculture est un secteur à part qui exige la tenue d’un débat de société sain et équilibré. Cependant, pour atteindre cet objectif, il est essentiel de veiller à ce que toutes les parties prenantes aient des chances égales de faire entendre leur voix. Pour y parvenir, l’organisation collective est une solution évidente pour les travailleurs : elle permet de contrecarrer des facteurs de vulnérabilité comme l’isolement géographique et social et de formuler des demandes dans un contexte défini. On a déjà vu comment les efforts de syndicalisation ont mené à une visibilité accrue de ces travailleurs, d’abord à travers des décisions judiciaires de haute importance, ensuite par un intérêt accru des chercheurs. Il reste toutefois encore à éliminer les nombreux obstacles institutionnels qui font en sorte que les travailleurs de la terre sont réduits à des conditions de servitude, tant en ce qui concerne les programmes d’embauche de main-d’œuvre migrante qu’en ce qui concerne les entraves à la liberté syndicale, barrières qui sont malheureusement maintenues en grande partie par la répétition d’un discours romantique présentant le secteur agricole comme étant irrémédiablement fragile. Il est donc temps de repenser les systèmes de gouvernance en agriculture afin d’équilibrer les intérêts de divers groupes dans une perspective globale et afin de créer un discours inclusif plutôt que de ressasser un idéal champêtre qui n’est plus.

L’auteure tient à remercier la professeure Isabelle Duplessis pour son encadrement généreux de la rédaction du mémoire de maîtrise dont ce texte s’inspire ainsi que les membres de son comité d’évaluation, les professeurs Gilles Trudeau et Suzanne Lalonde. Elle remercie également la professeure Sarah Berger-Richardson, qui a pris le temps de lire une version préliminaire de ce texte et d’offrir ses judicieux commentaires et impressions, Frédérique Chiasson pour la révision de la version définitive ainsi que les réviseurs anonymes de cet article pour leur lecture engagée qui a grandement bonifié
le texte.


1. Ce texte s’inspire en partie du mémoire de maîtrise de l’auteure : Laura Dehaibi, L’évolution de la protection de la liberté d’association des travailleurs agricoles salariés en droit international et en droit canadien, mémoire de maîtrise. Université de Montréal, 2011.

2. Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, 2018 a res 73 165.

3. Peter Hurst, Les travailleurs agricoles et leur contribution à l’agriculture et au développement rural durables (Genève : fao, oit et uita, 2007), 32.

4. Hurst, Les travailleurs agricoles.

5. Ces programmes sont le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (ptas) et le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Voir, par exemple, tuac Canada et Alliance des travailleurs agricoles, La situation des travailleurs agricoles migrants au Canada en 2020 (2020); Migrant Workers Alliance for Change, Unheeded Warnings: covid-19 & Migrant Workers in Canada (2020),https://migrantworkersalliance.org/wp-content/uploads/2020/06/Unheeded-Warnings-covid19-and-Migrant-Workers.pdf; Lucio Castracani, Ils viennent pour travailler : Enquête ethnographique parmi les ouvriers agricoles migrants au Québec (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2019); Martin Gallié, Jeanne Olivier-Gobeil et Caroline Brodeur, « La néo-féodalisation du droit du travail agricole : Étude de cas sur les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants à Saint-Rémi », Cahiers du gireps, n8 (2017); Anelyse M. Weiler, Janet McLaughlin et Donald C. Cole, « Food Security at Whose Expense? A Critique of the Canadian Temporary Farm Labour Migration Regime and Proposals for Change », International Migration, 55, n4 (2017), 48; Danièle Bélanger et Guillermo Candiz, « Fraises douces amères : territoire et précarité chez les travailleurs agricoles migrants de la région de Québec », Cahiers de géographie du Québec, 59, n166 (2015), 7; The North South/L’Institut Nord-Sud, Canada’s Seasonal Agricultural Workers Program as a Model of Best Practices in Migrant Worker Participation in the Benefits of Economic Globalization (Ottawa 2001).

6. Voir Emily Reid-Musson, « Grown Close to Home™: Migrant Farmworker (Im)mobilities and Unfreedom on Canadian Family Farms », Annals of the American Association of Geographers, 107, n3 (2017), 716.

7. Voir la Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles, lo 2002, ch. 16, qui sera abordée ci-après.

8. Hurst, Les travailleurs agricoles.

9. Peter Fitzpatrick, The Mythology of Modern Law (Londres : Routledge, 1992), 42.

10. Sur le processus historique menant à la création « d’universels » sur la base de modèles de relations, d’idées et d’institutions, voir notamment Edward Palmer Thompson, The Making of the English Working Class (Londres : Penguin, 1991 [1980]).

11. Compétence de l’oit pour la réglementation internationale des conditions de travail des personnes employées dans l’agriculture (1922), avis consultatif, cpji (sér. B), n2, 24.

12. Gilles Fumey, L’agriculture dans la nouvelle économie mondiale (Paris : Presses universitaires de France, 1997), 9-13.

13. Jo Little, « Rural Geography: Rural Gender Identity and the Performance of Masculinity and Feminity in the countryside », Progress in Human Geography, 26, n5 (2002), 665, 666-667. Sur la division historique des rôles dans la culture de céréales, voir aussi Casper Worm Hansen, Peter Sandholt Jensen et Christian Volmar Skovsgaard, « Modern Gender Roles and Agricultural History: the Neolithic Inheritance », Journal of Economic Growth, 20 (2015), 365.

14. Sur la création de la division genrée artificielle du travail, voir généralement Francesca Scrinzi, « Quelques notions pour penser l’articulation des rapports sociaux de “race”, de classe et de sexe », Les cahiers du cedref, 16 (2008), 81; et, dans le contexte de la pandémie au Québec, Laurence Hamel-Roy et al., « Le “Grand Confinement” et l’action publique durant la première vague de la covid-19 au Québec : Regards croisés sur les rapports de genre, de race et de classe dans quatre secteurs d’emploi », Cahiers du gireps, no 1 (2021), 15.

15. fao, Le rôle des femmes dans l’agriculture : Combler le fossé entre les hommes et les femmes pour soutenir le développement (Rome 2011), 24; voir également Anuradha Talwar Swapan Ganguly, « La féminisation de la main-d’œuvre agricole en Inde. Thème spécial : Le travail décent dans l’agriculture », Éducation ouvrière, 2003/2-3, n131-132 (2003), 29 et 30-31. Il est mentionné dans cet article que le salaire des femmes en agriculture serait entre 60 p. 100 et 75 p. 100 plus bas que celui des hommes. Cette situation enfreint la convention adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies : Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, [1979] 1249 rtnu 13 (entrée en vigueur : 3 septembre 1981). L’article 14 souligne d’ailleurs explicitement la situation particulière des femmes en zones rurales.

16. Jo Little, Rural Geography, 666. Voir aussi Sally Shortall, Women and Farming: Property and Power (Houndsmill : Macmillan Press, 1999). La Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales mentionne explicitement le rôle des femmes dans l’agriculture, notant que, encore aujourd’hui, l’accès à la propriété rurale est limité pour elles dans certains pays (voir le préambule).

17. Sur le contraste entre les visions anthropocentrique et écocentrique de la relation à la terre, voir Nicole Graham, Lawscape: Property, Environment, Law (Abingdon, Oxon : Routledge, 2011). La vision anthropocentrique promue par la propriété libérale tend à faire de la nature un objet passif au service de l’humain.

18. Voir notamment les travaux de John Locke, Two Treatises of Government (Londres : Awnsham Churchill, 1689), Livre ii, par. 26-35. Pour une lecture de Locke, voir Jeremy Waldron, The Right to Private Property (Oxford : Clarendon Press, 1988).

19. Gilbert Larguier et Bernard Bodinier, La terre et les paysans en France et en Grande-Bretagne de 1600 à 1800 (Paris : Ellipses, 1999), 16-18; Jean-Michel Chevet, La terre et les paysans en France et en Grande-Bretagne. Du début du xviie siècle à la fin du xviiie siècle. Volume 1 : Les hommes et les structures foncières (Paris : Éditions Messene, 1998), 95; Fumey, L’agriculture, 21; Gérard Aubin et Jacques Bouveresse, Introduction historique au droit du travail (Paris : Presses universitaires de France, 1995), 17-21.

20. Gérard Béaur, Histoire agraire de la France au xviiisiècle : inerties et changements dans les campagnes françaises entre 1715 et 1815 (Paris : sedes, 2000), 74; Aubin et Bouveresse, Introduction historique, 17.

21. Aubin et Bouveresse, Introduction historique, 66. Le droit de propriété se retrouve à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sous la constitution du 24 juin 1793 (Constitution de l’an I, Première République française).

22. Larguier et Bodinier, La terre, 72, 106-110; Aubin et Bouveresse, Introduction historique, 93-94 et 97.

23. Graham, Lawscape.

24. Ugo Mattei, Basic Principles of Property Law – A Comparative Legal and Economic Introduction (Westport : Greenwood Press, 2000), 83; Barbara Arneil, « Trade, Plantations, and Property: John Locke and the Economic Defense of Colonialism », Journal of the History of Ideas, 55, n4 (1994), 591.

25. Voir généralement Georg Cavallar, « Vitoria, Grotius, Pufendorf, Wolff and Vattel: Accomplices of European Colonialism and Exploitation or True Cosmopolitans? », Journal of the History of International Law, 10 (2008), 181; Anthony Anghie, « Franscico de Vitoria and the Colonial Origins of International Law », Social & Legal Studies, 5, n3 (1996), 321; Barbara Arneil, « Trade, Plantations, and Property: John Locke and the Economic Defense of Colonialism », Journal of the History of Ideas, 55, n4 (1994), 591.

26. Graham, Lawscape, 95.

27. Sur l’influence de la physiocratie sur les travaux d’Adam Smith et sur leurs différences intellectuelles, voir notamment Jeffrey T. Young, « Adam Smith and the Physiocrats: Contrasting Views of the Law of Nature », History of Economic Ideas, 10, n3 (2002), 7.

28. Voir Thérence Carvalho, La physiocratie dans l’Europe des lumières : Circulation et réception d’un modèle de réforme de l’ordre juridique et social (Paris : Mare & Martin, 2021). Cet auteur offre un imposant portrait historique de l’influence de la physiocratie dans l’Europe du 18e siècle. Il note que certains pays ont reçu ces idées avec enthousiasme, comme la Suède ou l’Italie, alors que d’autres se sont montrés plus méfiants, comme la Russie ou l’Espagne. Cependant, on note que les pays européens commenceront dès lors à axer leur économie vers un libéralisme croissant en commençant par le secteur agricole.

29. Voir à ce sujet Eric Williams, Capitalism and Slavery (Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1994).

30. Voir généralement Jim Chen, « Of Agriculture’s First Disobedience and Its Fruits », Vanderbilt Law Review, 48 (1995), 1262.

31. Voir, par exemple aux États-Unis, Allan Carlson, « Agrarianism Reborn: On the Curious Return of the Small Family Farm », Intercollegiate Review, 13 (2008) et au Canada, Kelly Bronson et coll., « The Canadian Family Farm, in Literature and in Practice », Journal of Rural Studies, 66 (2019), 104.

32. Louis Hémon, Maria Chapdelaine : récit du Canada français (Le manuscrit original) (Québec : Presses de l’Université Laval, 2014), 38.

33. Reid-Musson, Grown Close to Home, 721.

34. Carlson, Agrarianism Reborn; Joseph J Molnar et Litchi S Wu, « Agrarianism, Family Farming, and Support for State Intervention in Agriculture », Rural Sociology, 54, n2 (1989), 227.

35. Joan Thirsk, dir, The Agrarian History of England and Wales, vol. 2 (Cambridge : Cambridge University Press, 1985), 170-174; Fumey, L’agriculture, 22; Williams, Capitalism, 67-72. clr James note d’ailleurs que la révolution haïtienne a été favorisée, entre autres, par le fait que plusieurs des propriétaires terriens de l’île d’Hispaniola préféraient vivre en France, laissant la responsabilité de la gestion quotidienne des plantations dans les mains des esclaves africains; voir Cyril Lionel Robert James, The Black Jacobins: Toussaint L’Ouverture and the San Domingo Revolution (Londres : Penguin, 2001), 55. Cela étant, il arrive souvent de nos jours que les entreprises agricoles dans les pays du Nord sont carrément des personnes morales; voir Fumey, L’agriculture, 56-58.

36. Voir Chen, Of Agriculture.

37. tuac, Travailleurs agricoles, 20.

38. Hurst, Les travailleurs agricoles, 32, 37. Pour un portrait détaillé de l’évolution du salariat sur les fermes québécoises, voir Maud Roy-Cregheur, La gestion de la main-d’œuvre dans le secteur agricole et le sous-secteur horticole au Québec entre 1638 et 2010, mémoire de maîtrise. hec Montréal, 2011.

39. À l’échelle mondiale, l’organisation Via Campesina, auteure de la première version de la Déclaration undrop, a produit de nombreux rapports et publications sur la situation des droits des paysans dans le monde; voir le site https://viacampesina.org/fr/. Voir également Hurst, Les travailleurs agricoles. Au Canada, les études se sont surtout concentrées sur les travailleurs migrants en agriculture; voir notamment tuac, Travailleurs agricoles; Castracani, Enquête ethnographique; Gallié et al., Néo-féodalisation; Bélanger et Candiz, Fraises douces amères.

40. Hurst, Les travailleurs agricoles, 24.

41. Voir la Loi sur les normes du travail, lrq n-1.1, art. 54 et 59.0.1.

42. La situation diffère quelque peu dans le cas des salariés des industries subsidiaires de transformation dans l’agroentreprise, où il y a plus de contrats de travail permanents et où l’organisation collective est plus développée. Cependant, les conditions de travail dans ces milieux demeurent extrêmement précaires, notamment au niveau des mesures de protection de la santé et sécurité; voir Sarah Berger Richardson, « Worked to the bone: covid-19, the Agrifood Labour Force, and the Need for More Compassionate Post-pandemic Food Systems » dans Colleen M Flood et al., dir, Vulnerable: The Policy, Law and Ethics of covid-19 (Ottawa : University of Ottawa Press, 2020) et Martine D’Amours, « Comment sont fabriquées les conditions de travail des attrapeurs de poulets », Le Devoir, 17 mai 2018, https://www.ledevoir.
com/opinion/idees/527938/comment-on-fabrique-les-conditions-de-travail-des-attrapeurs-de-poulets
.

43. Gallié et al., Néo-féodalisation, 37-39. Voir aussi Hurst, Les travailleurs agricoles, 25.

44. Chen, Of Agriculture, 1286, 1325; Juan Carlos Linares, « Hired Hands Needed: The Impact of Globalization and Human Rights Law on Migrant Workers in the United States », Denver Journal of International Law and Policy, 34 (2006), 321, 322-323 et 330-332.

45. Gallié et al. Néo-féodalisation, 13; Hamel-Roy et al., Grand confinement, 31-32. Pour un compte rendu détaillé des programmes d’embauche de main-d’œuvre étrangère en agriculture au Canada et de leur impact sur les droits des travailleurs migrants, voir notamment Cindy Gagnon et Alexandre Couture Gagnon, « Le rôle du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (ptas) dans la vulnérabilisation des travailleurs migrants au Canada », Canadian Journal of Law and Society/La Revue Canadienne Droit et Société, 33, n3 (2018), 359; Jason Foster, « Making Temporary Permanent : The Silent Transformation of the Temporary Foreign Worker Program » Just Labour, 19 (2012), 22; Kerry Preibisch, « Pick-Your-Own Labor : Migrant Workers and Flexibility in Canadian Agriculture », International Migration Review, 44, n2 (2010), 404.

46. Hamel-Roy et al., Grand Confinement; Migrant Workers Alliance for Change, Unheeded Warnings.

47. Voir notamment les conclusions émises par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans Statut juridique des travailleurs migrants sans papiers (Mexique) (2003), avis consultatif oc-18/03, cidh (sér A), n18. Voir également l’article 26 de la convention suivante : Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 1990 a res 45 158, [1990] 2220 rtnu 3 (entrée en vigueur : 1er juillet 2003).

48. Chen, Of Agriculture, 1282; Hurst, Les travailleurs agricoles, 35; Gallié et al., Néo-féodalisation, 52.

49. Foster, Making Temporary Permanent, 25; tuac, Travailleurs agricoles, 4.

50. Voir Gallié et al., Néo-féodalisation, 132-134.

51. Voir par exemple Adelle Blackett, « Situated Reflections on International Labour Law, Capabilities, and Decent Work: The Case of Centre Maraîcher Eugène Guinois », Revue québécoise de droit international, Hors-série (2007), 223, 238. Voir aussi Nandita Sharma,
« The “Difference” that Borders Make: “Temporary Foreign Workers” and the Social Organization of Unfreedom in Canada » dans Patti Tamara Lenard et Christine Straehle, dir, Legislated Inequality: Temporary Labour Migration in Canada (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2012), 26. Pour un portrait de la situation aux États-Unis, voir Linares, Hired Hands, 326-327.

52. Mathieu Arès et Yanick Noiseux, « La syndicalisation des travailleurs agricoles migrants au Québec : Du débat en cour au débat de société », Revue Interventions économique, 49 (2014), par. 42; tuac, Travailleurs agricoles, 17; voir aussi, dans le contexte de la pandémie de covid-19, les conclusions de Hamel-Roy et al., Grand confinement, 37.

53. Gallié et al., Néo-féodalisation, 39.

54. Blackett, Situated Reflections, 236.

55. Avis consultatif du 12 mai 1922, 16, 18.

56. Avis consultatif du 12 mai 1922, 24, 26.

57. Avis consultatif du 12 mai 1922, 38.

58. Avis consultatif du 12 mai 1922, 38-40.

59. Aubin et Bouveresse. Introduction historique, 11-18.

60. Gérard Béaur, Histoire agraire, 100-103; Chevet, Structures foncières, 45-53; Aubin et Bouveresse, Introduction historique, 13-16.

61. Fumey, L’agriculture, 62-63.

62. Pour les chiffres, voir Parlement européen, « Fiches thématiques sur l’Union européenne », La politique agricole commune en chiffres, consulté le 7 avril 2022, https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/104/la-politique-agricole-commune-en-chiffres.

63. Gérard Filion, Le syndicalisme agricole (Québec : L’Action catholique, 1941), 107-108; Fumey, L’agriculture, 82-83; Chen, Of Agriculture, 1283-1295, 1298; Carmen G. Gonzalez, « Institutionalizing Inequality: The wto Agreement on Agriculture, Food Security, and Developing Countries », Columbia Journal of Environmental Law, 27 (2002), 433, 441.

64. fao, Le commerce agricole et la pauvreté : le commerce peut-il être au service des pauvres? (Rome 2005), 30. Pour les règles applicables au secteur agricole, voir l’Accord sur l’agriculture de 1994 à l’annexe 1A de l’Accord de Marrakech qui a institué l’Organisation mondiale du commerce. Voir aussi Jordana Hunter, « Broken Promises: Trade, Agriculture and Development in the wto », Melbourne Journal of International Law, 4 (2003), 299, 306-307; Gonzalez, Institutionalizing Inequality, 444.

65. Geneviève Parent et Kader Leonide Modou, « Les expressions de la spécificité agricole », Ottawa Law Review, 50 (2019), 99, 111; Alan Barkema, David Henneberry et Mark Drabenstott, « Agriculture and the gatt: A Time for Change », Federal Reserve Bank of Kansas City, Economic Review (1989), 21, 23-24; T. K. Warley, « Issues Facing Agriculture in the gatt Negotiations », Canadian Journal of Agriculture Economics, 35 (1987), 515, 521-522. Pour une histoire détaillée des négociations sur l’agriculture au sein du système du gatt, voir Timothy E. Josling, Stefan Tangermann et T.K. Warley, Agriculture in the gatt (Houndmills : Palgrave MacMillan, 1996).

66. L’Accord sur l’agriculture prévoit la libéralisation sous trois facettes : la conversion des barrières non tarifaires en tarifs, la réduction du volume des exportations subventionnées et la réduction des subventions domestiques débalançant le commerce. Voir Gonzalez, Institutionalizing Inequality, 452 et Hunter, Broken Promises, 308.

67. En fait, tant en Europe qu’aux États-Unis, les soutiens à l’agriculture auraient augmenté depuis 1994. Voir les publications suivantes : fao, Le commerce agricole, 9, 29-30, 35-36; Fumey, L’Agriculture, 91; Hunter, Broken Promises, 307; Matthew Newell, « Cotton, U.S. Domestic Policy, and Trade Wars: The Future of wto Agriculture Negotiations », Minnesota Journal of Global Trade, 14, n2 (2004-2005), 301, 304.

68. Pour une lecture critique de l’impact négatif des négociations en agriculture sur les pays en développement et la fragilisation conséquente de la crédibilité de l’omc, voir les documents suivants : James Scott, « The future of Agricultural Trade Governance in the World Trade Organization », International Affairs, 93, n5 (2017), 1167; Kim Burnett et Sophia Murphy, « What Place for International Trade in Food Sovereignty? », Journal of Peasant Studies, 41, n6 (2014), 1065; Melissa Blue Sky, « The wto, Agriculture, and Developing Countries: The Need for Trade Reforms », Sustainable Development Law & Policy, 9 (2008-2009), 41; Hunter, Broken Promises; Gonzalez, Institutionalizing Inequality.

69. Voir Canada, Financement agricole Canada, Classement des échanges commerciaux de produits agricoles (Ottawa 2017), https://www.fcc-fac.ca/fcc/knowledge/ag-economist/trade-ranking-report-agriculture-f.pdf. Pour les pourcentages du PIB, voir La Banque mondiale, « Données », Agriculture, valeur ajoutée, consulté le 7 avril 2022, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS.

70. Burnett et Murphy, What Place, 1071.

71. Voir généralement Kristen Hopewell, « Heroes of the Developing World? Emerging Powers in wto Agriculture Negotiations and Dispute Settlement », Journal of Peasant Studies (2021),

DOI : 10.1080/03066150.2021.1873292; Voir aussi Hunter, Broken Promises et le portail Web de l’omc sur les négociations en agriculture depuis 2000 : omc, « Agriculture », Négociations sur l’agriculture, consulté le 7 avril 2021, https://www.wto.org/french/tratop_f/agric_f/negoti_f.htm.

72. Hunter, Broken Promises, 320.

73. Voir Robert Worlfe, « Harvesting Public Policy? Private Influence on Agricultural Trade Policy in Canada » (2007) Réseau canadien de recherche sur les politiques commerciales agricoles, document de travail 2007-4; Fumey, L’agriculture, 62.

74. Fumey, L’agriculture, 4. Voir aussi Chen, Of Agriculture, ouvrage qui décrit l’importance symbolique de l’agriculture aux États-Unis.

75. Hémon, Maria Chapdelaine, 150.

76. Arès et Noiseux, La syndicalisation, par. 14.

77. Henri Ouellette-Vézina, « Saint-Jean-sur-Richelieu : Québec refuse de dézoner une large terre agricole », La Presse, 21 août 2020, https://www.lapresse.ca/actualites/2020-08-21/saint-jean-sur-richelieu-quebec-refuse-de-dezoner-une-large-terre-agricole.php.

78. Chen, Of Agriculture, 1276-1292.

79. Yale Law School, Lillian Goldman Law Library – The Avalon Project, Lettre de Thomas Jefferson à John Jay, 23 août 1785.

80. Carlson, Agrarianism Reborn; Molnar and Wu, Agrarianism.

81. Margaret Mitchell, Gone with the Wind (New York : Macmillan Company, 1983 [1936]), 443.

82. Voir généralement Cavallar, Vitoria.

83. Voir Cedric J. Robinson, Black Marxism: The Making of the Black Radical Tradition (Chapel Hill : University of North Carolina Press, 2000), 116-117 et Williams, Capitalism, 5-14. Les deux auteurs notent que c’est particulièrement le recours à la culture par plantation qui a ouvert la voie à un recours sans précédent aux esclaves en provenance du continent africain, alors qu’avant, la main-d’œuvre européenne sous contrats de servitude fournissait à la demande.

84. Voir généralement Williams, Capitalism; voir aussi, dans le contexte français, James, Black Jacobins.

85. Williams, Capitalism, 44-64.

86. James, Black Jacobins, 47-50.

87. Sharma rappelle que le racisme et le nationalisme vont souvent de pair et que les discours nationalistes sont souvent à la base des inégalités sociales en général; voir Sharma, Borders, 28-29.

88. Voir pour Cuba, Everlyn Hu-Dehart, « Chinese Coolie Labour in Cuba in the Nineteenth Century: Free Labour or Neo-Slavery? », Slavery & Abolition, 14 (1993), 67; pour les États-Unis, Sucheng Chan, The Bittersweet Soil: The Chinese in California Agriculture, 1860-1910 (Berkeley : University of California Press, 1986); pour le Pérou, Michael J Gonzales, « Chinese Plantation Workers and Social Conflict in Peru in the Late Nineteenth Century », Journal of Latin American Studies, 21, n3 (1989), 386.

89. Voir récemment la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (cidh) sur l’esclavage contemporain dans l’économie agricole brésilienne : Hacienda Brasil Verde Workers v. Brazil, (2016), cidh (sér C), n318; voir aussi, pour le travail forcé des enfants dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire, Kate Manzo, « Modern Slavery, Global Capitalism & Deproletarianisation in West Africa », Review of African Political Economy¸ 32, n106 (2005), 521. Voir finalement la controverse en lien avec le travail forcé dans les plantations d’huile de palme en Malaisie et en Indonésie : « Conditions de travail atroces dans l’industrie de l’huile de palme », ici Radio-Canada, 24 septembre 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1736140/enquete-associated-press-travail-force-enfants-viols.

90. Reid-Musson (2017), Grown Close to Home; Sharma, Borders, 36-37.

91. Gallié et al., Néo-féodalisation, 151.

92. Sharma, Borders, 35-36. L’auteure note que, dans le cas des travailleurs temporaires, le statut « d’étranger », généralement associé au discours xénophobe, est carrément définit légalement. Voir aussi Blackett, Situated reflections.

93. Convention (n11) sur le droit d’association (agriculture) (1921), oit, Conférence internationale du travail, 3e session, 123 ratifications (en date de juin 2021). Les deux autres conventions adoptées lors de la 3e session de la cit sont la Convention (n°10) sur l’âge minimum (agriculture) (1921) et la Convention (n12) sur la réparation des accidents du travail (agriculture) (1921). Il faut préciser que le fondement du litige dans l’avis consultatif de 1922 ne visait pas précisément la liberté d’association, mais certains autres points au programme de la 3e session de la cit, notamment celui de la réglementation des heures de travail.

94. Les autres provinces sont l’Alberta, qui exclut du régime industriel les travailleurs œuvrant à la production primaire de produits agricoles (voir art. 4(2) e.1 de la Labour Relations Code, RSA 2000 ch. L-1), et le Nouveau-Brunswick, qui prévoit qu’une unité de travail susceptible de former un syndicat pour des employés en agriculture doit être formée d’au moins cinq personnes (voir art. 1(5)a) de l’Industrial Relations Act, rsnb 1973 ch. I-4).

95. Tel que rapporté dans tuac, Travailleurs agricoles, 15.

96. Mariana Valverde, Law and Order: Images, Meanings, Myths (New Brunswick : Rutgers University Press, 2006), 26-27.

97. « Statistique Canada », Employés du secteur agricole, de 2016 à 2018, 15 mai 2020, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2020033-fra.htm.

98. « Statistique Canada », Travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole, de 2016 à 2018, 20 avril 2020, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2020030-fra.htm.

99. Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 csc 94, [2001] 3 rcs 1016.

100. La Loi de 1994 sur les relations de travail dans l’agriculture, lo 1994, ch. 6, (lrta). La lrta a été abrogée par la Loi de 1995 sur les relations du travail, lo 1995, ch. 1, Annexe A, art. 80-81 (lrt).

101. lrta, préambule.

102. lrta, art. 8, 10-12. La lrta privilégiait la médiation et l’arbitrage pour le règlement des différends (art 13).

103. Arrêt Dunmore, par. 17; 27.

104. Arrêt Dunmore, par. 47-48.

105. Arrêt Dunmore, par. 5.

106. Arrêt Dunmore, par. 51-52.

107. Arrêt Dunmore, par. 52-54.

108. Arrêt Dunmore, par. 54-55. La csc constate également que la définition d’agriculture selon la loi ontarienne est très large, touchant même les camionneurs transportant des marchandises agricoles, ce qui ne peut être considéré comme une atteinte minimale aux droits d’association (par. 56).

109. Arrêt Dunmore, par. 58-60. La csc donne l’exemple de la législation québécoise en matière de liberté syndicale des travailleurs agricoles salariés qui prévoit également un régime particulier pour eux, mais qui serait moins attentatoire que l’exclusion totale appliquée en Ontario (voir par. 64). Toutefois, la législation québécoise sera également contestée devant les tribunaux en 2010 (voir ci-dessous).

110. Arès et Noiseux, La syndicalisation, par. 17-21.

111. Arrêt Dunmore, par. 62.

112. Arrêt Dunmore, par. 65.

113. Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles, lo 2002, ch. 16, art. 18.

114. lrt de 1995, art. 1(1).

115. lpea, art. 2(1).

116. Ontario, Legislative Assembly, Official Report of Debates, 37e législature, 3e session, n46B (22 octobre 2002) 1850 (Hon. Helen Johns).

117. Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 csc 20, [2011] 2 rcs 3.

118. Arrêt Fraser, par. 2-3; 42-43.

119. Arrêt Fraser, par. 101-106. Cette référence à la bonne foi répond à l’Arrêt Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 csc 27, [2007] 2 rcs 391, qui avait déterminé que l’alinéa 2d) protégeait également le processus de négociation collective de bonne foi.

120. Arrêt Fraser, par. 322-331.

121. Voir Steven Barrett, « The Supreme Court of Canada’s Decision in Fraser: Stepping Forward, Backward or Sideways? », Canadian Labour & Employment Law Journal, 16 (2012), 331. Barrett suggère que très peu de travailleurs peuvent prétendre négocier des conditions de travail de manière concluante en dehors d’un cadre législatif de relations industrielles. L’auteur était avocat plaideur dans l’Arrêt Dunmore et dans l’Arrêt Health Services.

122. Voir tuac, Travailleurs agricoles, 39.

123. Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 csc 1, [2015] 1 rcs 3.

124. Arrêt Dunmore, par. 39-46.

125. Arrêt Fraser, par. 343-350.

126. Arrêt Fraser, par. 356-358.

127. Code du travail, lrq ch. C-27, art. 21(5).

128. Aujourd’hui remplacée par le Tribunal administratif du travail.

129. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 c. La Légumière Y.C. Inc., 2007 qcccrt 467, par. 203.

130. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 27e législature, 3e session, (1964) (ministre Fortin), tel que cité dans tuac c. La Légumière, par. 80.

131. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 c. L’Écuyer, 2010 qccrt 191.

132. tuac c. L’Écuyer, par. 78-84; voir aussi discussion dans Arès et Noiseux, La syndicalisation, par. 23-24.

133. tuac c. L’Écuyer, par. 95-96. Numéros de paragraphe du texte original omis.

134. tuac c. L’Écuyer, par. 97.

135. tuac c. L’Écuyer, par. 155-167.

136. tuac c. L’Écuyer, par. 345-349.

137. tuac c. L’Écuyer, par. 386-388.

138. L’Écuyer c. Côté, 2013 qccs 973, par. 108-113.

139. Loi modifiant le Code du travail à l’égard de certains salariés d’exploitations agricoles, LQ 2014, ch. 9.

140. Code du travail, art. 111.27.

141. L’Écuyer c. Côté, par. 96-102.

142. Code du travail, art. 111.28.

143. Code du travail, art. 111.29-111.30.

144. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 1 (Sam Hamad).

145. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 2 (Sylvie d’Amours).

146. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 4 (André Plante – apmq).

147. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 59 (Jean Lortie – csn).

148. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 4 (André Plante – apmq). « Nous ne vous apprendrons rien en vous disant que la production maraîchère est également fortement vulnérable aux intempéries et aux aléas de la météo. »

149. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 4 (André Plante – apmq).

150. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 39 (Pierre Lemieux – upa).

151. Graham, Lawscape.

152. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 28 (Daniel Boyer – tuac et ftq).

153. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 39 (Pierre Lemieux – upa).

154. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 3 (André Plante – apmq).

155. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 4 (André Plante – apmq).

156. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 24 (Guy Pouliot – apffq).

157. Reid-Musson, Grown Close to Home.

158. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 59 (Jean Lortie – csn).

159. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 28 (Daniel Boyer – ftq).

160. Voir par exemple les commentaires de M. Plante de l’apmq : « […] il ne faut pas oublier que les producteurs québécois vendent leurs produits maraîchers sur les mêmes marchés que les producteurs de l’Ontario et que la compétition est féroce. » Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 4 (André Plante – apmq).

161. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 7 (André Plante – apmq).

162. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 15-16 (Guy Pouliot – apffq).

163. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 42 (Pierre Lemieux – upa).

164. Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, 41e législature, 1re session, vol. 44, n7 (9 septembre 2014), 29 (Anouk Collet – tuac).

165. Gallié et al., Néo-féodalisation, 156.

166. Voir Blackett, Situated reflections, 240.

167. upa, « Communiqués », Salaire minimum : une hausse soudaine à 15 $ l’heure aurait un impact majeur sur la rentabilité de milliers d’entreprises agricoles, 18 juillet 2017, https://www.upa.qc.ca/fr/communiques/2017/07/salaire-minimum-une-hausse-soudaine-15-lheure-aurait-un-impact-majeur-sur-la-rentabilite-de-milliers-dentreprises-agricoles/.

168. upa « Mémoires et Publications », Projet de loi n176, 29 mai 2018,

https://www.upa.qc.ca/wp-content/uploads/filebase/fr/memoires/Memoire-upa-Commission-economie-et-travail_Projet-de-loi-176_290518.pdf, 13-15.

169. Gallié et al., Néo-féodalisation, 152.

170. Voir Ludovic Rheault, « Corporate Lobbying and Immigration Policies in Canada », Canadian Journal of Political Science, 46, no 3 (2013), 691.

171. Pour le rôle du lobby laitier canadien dans les négociations commerciales transnationales du pays, voir notamment Aaron Wheery, « Why the dairy lobby is so powerful », MacLean’s, 5 octobre 2015, https://www.macleans.ca/politics/ottawa/why-the-dairy-lobby-is-so-powerful/.

L’impact des lobbys agricoles sur les négociations commerciales du Canada a été exploré en détail dans Wolfe, Harvesting Public Policy.

172. Romain Schué, « Le lobby des agriculteurs, un poids politique “sans commune mesure” au Québec », ici Radio-Canada, 7 septembre 2018, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1122268/lobbying-agriculteurs-upa-groleau-campagne-electorale.

173. Voir Aaron Wheery, « Why the dairy lobby is so powerful », MacLean’s, 5 octobre 2015, https://www.macleans.ca/politics/ottawa/why-the-dairy-lobby-is-so-powerful/.

174. Voir en ligne le Congrès général 2020 de l’upa : Cultivons l’autonomie alimentaire du Québec du local au global, Longueuil, QC, Canada, 30 novembre-1er décembre, https://www.upa.qc.ca/fr/communiques/2020/12/congres-general-2020-de-lupa-des-enjeux-et-des-pistes-de-solutions-pour-cultiver-notre-autonomie-alimentaire-du-local-au-global/.

175. Helen Bardeau, « Après le papier toilette, les consommateurs se ruent sur les semences », ici Radio-Canada, 11 avril 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1691927/graine-plante-penurie-jardinage-pousser-nourriture-covid-19-coronavirus.

176. Tel que rapporté par Hamel-Roy et al., Grand confinement, 34-35. Le gouvernement du Québec avait en effet lancé une campagne intitulée « J’y vais sur-le-champ » pour encourager les populations locales à travailler dans les fermes québécoises au début de la pandémie. La campagne présentait une vision distordue des fermes, fondée sur une rhétorique bucolique, qui correspondait peu à la dureté du travail dans les champs.

177. Migrant Workers Alliance for Change, Unheeded Warnings.

178. Voir également les rapports des tuac, Travailleurs agricoles, et d’Hamel-Roy, Grand confinement, relatant les nombreux obstacles qu’ont rencontrés les travailleurs migrants au début de la pandémie.


How to cite:

Laura Dehaibi, « Idéal champêtre ou enfer ouvrier? Démystifier la terre pour renforcer les droits des travailleurs agricoles », Labour/Le Travail 90 (Automne 2022): 111–147. https://doi.org/10.52975/llt.2022v90.005